Barbares, vous avez dit barbares ? Non, ils sont belges, poètes aussi et surtout artistes rassemblés dans une belle exposition qui dessine une Belgique irréductible, irrévérencieuse avec 100 œuvres d’artistes des 20 et 21e siècles. Après avoir fait l’événement au Macro de Rome, l’exposition I Belgi. Barbari e Poeti, curatée par Antonio Nardone revient au pays.
Les artistes du siècle précédent sont rassemblés dans un premier espace. Les œuvres, souvent prêtées par des collectionneurs sont de grande qualité, pas usées par trop d’exposition. Un magnifique Ensor, une toile et des dessins de Magritte. Un Alechinsky tout en force, une des deux aquarelles originales du Pornocratès de Rops, un superbe Spilliaert, mélancolique et cotonneux. Les dessins d’Armand Collin, le dessinateur somnambule de Pâturages seront une découverte pour beaucoup, comme sans doute le farcesque Camille d’Havé.
C’est un double squelette automate de Johan Muyle dansant le tango qui ouvre le parcours plus contemporain. Ici les artistes moins connus côtoient les reconnus tels qu’Alechinsky, Panamarenko, Fabre ou Delvoye. L’accrochage aéré laisse de la place à chacun. Sur un mur, l’étonnant travail de Fred Penelle et Yannick Jacquet qui mêle la gravure avec des projections vidéos et mécanismes invisibles. L’humain s’accoquine avec l’animal, le virtuel se métamorphose en réel et revient en arrière comme dans une ritournelle graphique et poétique.
Réfractaires aux normes, ces artistes qui se suivent sans se ressembler sur ce bout de territoire aux identités floues partagent souvent un même regard oblique sur l’art. Ils s’amusent à fixer leurs propres règles et se jouent des apparences. Un cageot de supermarché peint à la feuille d’or de Jef Geys accroche le regard et devient un objet unique. Un amas de textile de bois, de fer et de poussière chez Buggenhout devient une sculpture d’une étrange présence. Quant à la carcasse de Berlinde De Bruykere, elle est lourde, pèse des tonnes, pourtant elle s’élève. Et nous avec.
Provocateurs, ils savent rire ces barbares. Avec politesse et empathie dans la chasse aux cerfs et dans l’homme-art de Jacques Lennep. Dans les déambulations absurdes de Messieurs Delmotte à Venise et dans les drôles d’animaux de Pascal Bernier. Quand il bande les pattes d’un mignon tigrou naturalisé, il tend un miroir à notre sensiblerie, autant qu’il pointe les dégâts dont l’homme se rend coupable. A l’issue de sa visite, celui qui se sent un peu barbare et poète, peut aussi griffonner un dessin sur un carton de bière. Il sera bien reçu.
I belgi. Barbari e poetiInfos pratiques