Il y a plusieurs manières de déambuler à la BRAFA : l’une d’entre elles consiste à passer totalement inaperçu, opter pour un anonymat complet. On choisira donc ici une flânerie méthodique, à la recherche des ombres et des recoins faiblement éclairés. Lors de cette traversée hallucinée de la foule, le flâneur ralentit le pas. Pendant ce temps, son regard file et ne s’attache à rien. C’est pourquoi, très vite, le flâneur récolte des tas de choses dans ses filets. Un coup, il regarde à droite ; un coup, il regarde à gauche ; ensuite en haut, un peu plus bas aussi. Il s’arrête près d’une conversation. Il suit un talon étonnamment fin. Il s’assoupit près d’une nature morte. Il se perd. Il frôle une courbe. Il tombe sur le Grand Condé. Il se perd à nouveau. Il heurte un bronze et, enfin, il croise un autre regard dans cette grande savane d’objets. Le pas s’oriente avec hésitation ; le sol semble crémeux. Mine de rien, cette activité demande de l’entrainement. Il n’est pas si facile de ne pas juger (d’autres se chargent très bien de cette besogne), de refuser les catalogues. Difficile de ne pas prendre des notes ou des photographies. À la BRAFA, on parvient sans peine à cette vérité somme toute évidente : les choses ne sont jamais données en elles-mêmes, isolées les unes des autres. Dans ce panorama antique et moderne, dans ce fourre-tout très organisé, les objets, comme le pensait Baudelaire, ne sont présents qu’à travers les sons, les parfums et les couleurs. Les sons, d’abord. On entend vingt fois le mot « charme », plus rarement le mot « délicat ». Et puis surtout, il y a ce brouhaha qui ressemble à un chuchotement ou au souffle d’une conque. Parfois, les parfums volent d’une mèche de cheveux à la vague d’une marine. Les couleurs sont d’un automne pourpre ; de grands arcs de cercle fleuris enjambent les alcôves discrètes et les salons tamisés. À l’instar d’un funambule ivre, la mémoire tient en équilibre sur un fil ; on craint de la brusquer, de la sortir de sa rêverie. Un autre constat saute alors aux yeux : il n’est pas besoin de retenir de manière durable les choses ou les objets, il suffit de s’en souvenir avec beaucoup d’incertitude et des flous très tendres. Tout le jeu consiste à se servir de la mémoire comme d’un plan presque illisible, un brouillon garni de longues flèches, de symboles et d’inscriptions sibyllines. Après avoir passé au tamis toutes ces impressions, on finit par achever cette balade en trouvant deux canapés : l’un au saumon, l’autre en cuir. Là, au milieu du monde et cependant loin de lui, il devient possible de faire le compte, entre les volutes et les veloutés, des plaisirs déjà anciens et des oublis passagers.
BRAFA ART FAIR, Tour & Taxis, Avenue du Port 86 C, B-1000 Bruxelles.
Ouvert Du samedi 23 au dimanche 31 janvier 2016 de 11h à 19h.
Nocturne le jeudi 28 janvier 2016 jusqu’à 22h.
Tarifs: Individuel: 25 €/ 16-26 ans: 10 € par personne , < 16 ans: gratuit / Groupes (≥ 10 pers.): 10 € par personne.
T. +32 (0)2 513 48 31 – f. +32 (0)2 502 06 86 info@brafa.be , www.brafa.be