Quelques accords de guitare, presque déposés, introduisent le nouveau disque de Lambchop. Puis, la basse ronde et chaude déroule avec la voix de Kurt Wagner, comme enveloppée du halo sonore de l’Auto-Tune, ce machin électronique prisé par les rappeurs. À priori pas trop le truc de l’ami Kurt. Sauf que chez lui ça n’enlève rien à la mélancolie de la voix. Et quand dans le refrain, il fait « Ohohoh, Tu du tu du du », ça rend le mélange entre la voix et l’électronique moelleux comme un milkshake. La première et longue chanson au titre abscons (In care of 8675309) est une dérive méditative d’un gars assis sur le porche de sa maison, son chien sur les genoux. Un coucher de soleil, quelques gouttes de pluie sur les branches du myrtillier, un insecte qui passe la porte en volant.
Éclectique
Pour ceux qui connaissent le groupe de Nashville, ce douzième album n’est plus vraiment une surprise, mais encore un ravissement. Pour les autres, c’est l’occasion de découvrir ce groupe étiqueté « alt country ». Les étiquettes sont toujours paresseuses ça veut dire quoi de la country alternative ? Dans le cas de la formation de Kurt Wagner, ça veut dire des compos souvent mélancoliques avec parfois de la slide guitar, son obsession quand il était ado. Avec un groupe à géométrie variable qui a pu compter jusqu’à 20 musiciens sur scène, Lambchop a réussi à se renouveler presque à chaque album. Des débuts en 94 au son sale, presque velvetien mâtiné de country rock de Jack’s Tulips au jazzy et éclectique What Another Man Spills et du soul éclatant de Nixon, au minimaliste Is a Woman et à la somptueuse mélancolie de Mr. M, le groupe reste familier, mais chaque fois différent.
Groove
Chacune des onze plages de FLOTUS s’enroule dans la suivante. C’est un son chatoyant avec cette basse paisible et féline qui guide chaque chanson comme une boussole et le piano électrique aux touches jazzy qui brode sur le métronome d’un boite à rythme étouffée. Comme libéré par le filtre de l’Auto-Tune, il s’amuse avec sa voix, la transforme, répète des mots et des bouts de phrases qui reviennent en boucle comme sortis d’un haut parleur fatigué ou crachotée par la grille plastique d’un jouet mécanique. Mais toujours avec une chaleur, un groove et un moelleux irrésistible entre lounge, funk et electro, bien loin du country.
Intimiste
Et puis tout à coup un peu avant la fin, la voix revient inaltérée, nue comme au premier temps. La dernière plage The Hustle, qui est en quelque sorte la grande finale, s’étale sur 18 minutes comme un symphonie intimiste. Elle s’introduit sur un tapis aux sonorités électroniques, laissant filer une rythmique rapide balayée des touches impressionnistes du piano électrique. La voix sans filtre de Kurt se glisse pour chanter à sa femme qu’il ne veut jamais la quitter. Et que jamais signifie, très, très, longtemps. Les touches de cuivre pulsent doucement comme un cœur qui se serre. Il y a des moments où seule la rythmique continue sa séquence comme le passage du temps. Dans la dernière partie, il raconte par bribes un mariage auquel il a assisté avec sa femme. Les invités s’étaient lancés dans une danse aux pas synchronisés qu’il ne connaissait pas. Ça s’appelle the Hustle lui dit sa femme. Elle lui suggère de se joindre au mouvement. Il décline respectueusement. L’amour a ses limites.
FLOTUS, Lambchop, CD City Slang 11 plages, 1 heure 09 min
Lambchop en concert
28 octobre 2017, 20h00, Stadsschouwburg, Bruges
29 octobre 2017, 20h00 De Roma, Borgerhout Anvers