Mathilde Renault pianiste et chanteuse au talent singulier sort en auto production un album piano-voix de chansons mélancoliques à écouter allongé ou les yeux ouverts sur les étoiles.
On l’avait découverte sur le sautillant et coloré Cameleon Boat en 2011, l’artiste a conduit son navire à terre pour explorer de nouvelles contrées plus mélancoliques. Dans ses bagages seulement sa voix et son piano. En réduisant son équipement, elle a gagné en liberté, juste quelques touches noires et blanches et des cordes qui résonnent pour retenir sa voix.
Inspiration
Il y a du An Pierlé, de l’Agnès Obel ou du Regina Spektor dans ces chansons sans fioritures. L’album est court, neuf chansons en un peu plus de 30 minutes qui coulent l’une dans l’autre avec naturel et fluidité. En piano voix, c’est plus intense, alors je ne voulais pas risquer de lasser. Mais surtout, l’ordre des chansons se mettait bien pour construire une belle histoire. J’ai enregistré d’autres chansons que je publierai plus tard.
Dans son voyage, elle n’est pas tout à fait seule puisqu’elle a enregistré l’album avec son père, Jean-Christophe Renault, pianiste qui a signé certaines musiques comme certains textes. Comme son père, avant elle, elle casse le carcan des styles, pianotant entre jazz, pop et classique. Du jazz, elle se laisse parfois guider par son sens de l’improvisation suivant sa voix où elle la mène. De la pop, elle garde le goût pour les mélodies parfaitement calibrées, et du classique la résonance de l’instrument dans le silence.
Organique et fragile
Made up met les choses en place posément. Un léger voile sur la voix doucement posée sur les premiers accords avant l’entêtant refrain qui ne sort pas de la tête. Avec A Deep Bright Stone, la voix monte et descend, passant du grave au murmure pour plonger à la recherche de pierres chatoyantes cachées au fond d’une rivière ou dans le cœur des gens. La Valse des cerfs est un instrumental plus lyrique. Comme une version sans saccharine de la Belle ou la Bête. Par une nuit de pleine lune, les fenêtres du salon ouvertes sur un bois de bouleaux. Quand le morceau se termine, on a cru entendre les échos d’un violoncelle, mais ce ne sont que les cordes du piano.
Unknown Beauty déploie sa beauté dépouillée. Les notes s’égrènent comme on traverse en rêve les pièces au haut plafond. La voix qui se fait plus organique et fragile semble s’être encore rapprochée.
Mouvements de l’âme
Lucky Number Tout le monde cherche son paradis et son chiffre porte-bonheur mais personne ne s’en soucie chante-t-elle. Sur la lande, des feux follets dessinent des arabesques sophistiquées. Étrangement, il y a un parfum de citron mûr et de pin.
Single Game, s’abandonne aux mouvements de l’âme et aux petites mélodies de l’instant.
Insomnia. C’était écrit, on ne dormira pas cette nuit ou est-ce un rêve éveillé ? En se promenant sur sa plage, on regarde l’écume qui scintille doucement sur la crête des vagues finissantes, on se prend à y lire la ritournelle d’une berceuse.
Last Crazy Tango est une chanson dédiée à sa grand mère. Quelques pas de danse détricotent les souvenirs pour célébrer la vie.
Exit s’ouvre avec solennité, on compte les étoiles avant que le ciel ne s’assombrisse. Il est temps de passer à autre chose.
Lucky Number a la douceur fraîche et cotonneuse d’un rêve éveillé dont on garde des traces en soi comme des filets de brume.
Lucky Number, Mathilde Renault, CD 9 titres, 31 minutes
Disponible au BAZAR e-SHOP
En concert le 24 janvier 2018, Botanique
A lire prochaiinement sur Bazar l’interview long format où elle parle de son plaisir à libérer sa voix et de la collaboration avec son père. Elle raconte aussi sa passion pour le cinéma et les exercices d’échauffement pour la voix.