Et si les trois petits cochons cachaient en réalité trois petites cochonnes, le Chat botté, une histoire de zoophile et Blanche Neige, une adepte du gang bang ? Sacrilège ? Pourtant, les contes ne sont peut-être pas que des histoires pour enfants sages…
Contes coquins
Blanche fesse et les sept mains, Alice au pays des pervers, la Belle au bois pompant, Le Petit Capuchon Rouge… Le cinéma porno ne s’est pas gêné pour détourner le titre des belles histoires de notre enfance. Mais les contes sont-ils bien des récits réservés aux moutards ? Pas sûr. À l’époque, Perrault puis les frères Grimm édulcorent copieusement les histoires qu’ils recueillent. Les versions d’origine étaient bien plus crues et étaient d’ailleurs surtout destinées aux adultes. Même comme cela, les contes débordent d’histoires de sexe, de sang, quand ce n’est pas pire. On y tue, on y mange des bébés, on y déflore à tire-larigot, on y rêve d’inceste et de bestialité. De belles histoires à lire au coin du feu ? Pensez-vous. Plutôt des répertoires de la sagesse populaire où les mises en garde prennent le plus souvent la forme de symboles. On est loin de Walt Disney.
Gare à la quenouille
Un des premiers à s’en être aperçu est Bruno Bettelheim. Dans son célèbre livre Psychanalyse des contes de fées, cet émule de Freud voit dans les contes une moisson de symboles liés au sexe. La Belle et la Bête ? Une banale histoire d‘Œdipe au féminin. La Belle se dévoue d’abord à son père, puis se décide enfin à aimer quelqu’un d’autre, la Bête, qu’elle change comme par hasard en un séduisant jeune homme. La Belle au bois dormant ? Une mise en garde sur la masturbation juvénile. À trop jouer avec sa quenouille, Belle en oublie les c… et finit par endormir sa génitalité. Et il faut au Prince Charmant beaucoup d’efforts et de temps (un « siècle ») avant d’écarter les ronces, les épines et les défenses de la jeune vierge et de l’éveiller aux délices du coït. Peau d’âne ? Une autre histoire d’inceste et d’Œdipe. Le conte montre comment la jeune fille passe du statut d’enfant à celui de femme désirable et épanouie. La peau d’âne, c’est la mue, le décès de la mère, une métaphore du désir œdipien.
La chatte bottée
Bref, les contes sont truffés de références sexuelles. La petite pantoufle de verre de Cendrillon est ainsi une métaphore du vagin, selon Bettelheim : une partie du corps peut s’y glisser et y être tenue serrée ! Faite qui plus est de verre, une matière fragile qui peut se briser si on la force. Un peu comme l’hymen, donc. La longue houppe de Riquet ? Un symbole phallique ! L’aune de boudin que réclame le vieux bûcheron dans les Souhaits ridicules et qu’il fait ensuite pendre au nez de sa femme ? Un autre symbole phallique doublé d’une critique des mégères qui portent la culotte. Les chevillettes, bobinettes, anneaux que l’on passe au doigt ? Encore des métaphores du sexe, tantôt masculins, tantôt féminins. Le Petit Chaperon rouge ? Une allusion à peine voilée au gland ! Le Chat botté raconte pour sa part une histoire de castration qui finit bien. Celle d’un père qui féminise son fils au point de ne lui léguer qu’un chat, autant dire une chatte ! Cette omniprésence du sexe dans les histoires populaires ne se retrouve pas que chez nous. En Afrique, les contes fourmillent également de références grivoises : origine des sexes, difficulté à en acquérir un et le garder, prouesses sexuelles… On y présente même les organes sexuels comme des personnages autonomes, telles ces histoires de guerre entre Vagin et Pénis ! Narrés devant un large auditoire, ces récits rassemblent toutes les générations. Un vrai cours d’éducation sexuelle improvisé.
Contes féministes
Des jeunes filles soumises et timides, des belles-mères acariâtres, des princes séduisants et entreprenants… Les contes de fées ne seraient-ils pas sacrément misogynes ? Certains, comme la romancière anglaise Angela Carter, en sont persuadés. Dans un livre resté célèbre*, cette dernière détourne d’ailleurs le conte de fées traditionnel et en renverse les valeurs machistes. L’érotisme y est toujours autant présent, mais ce sont cette fois les femmes qui dominent et prennent des initiatives ! Ainsi, dans la version du Petit Chaperon rouge de la romancière anglaise, ce n’est plus la jolie, mais pas si innocente jeune fille qui passe à la casserole. C’est au contraire elle qui initie la brute velue, et particulièrement bien montée, aux plaisirs raffinés de la chair. À quand la version féministe de Blanche Neige et les sept nains !
Haouuuuuu !
Quand on dit d’une jeune femme qu’elle a déjà vu le loup, c’est rarement en référence à l’animal, ou alors peut-être à ce qui lui sert d’appendice caudal ! Même chose dans les histoires où le grand méchant loup intervient souvent pour mettre en garde les jeunes filles à peine pubères du danger qu’il y a de conter fleurette avec le premier séducteur venu. Dans le conte de Perrault, ce n’est d’ailleurs pas dans la forêt que le loup dévore le très ravissant Petit Chaperon rouge, mais bien dans un lit, où elle vient d’ailleurs curieusement le rejoindre et où elle découvre probablement que sa pseudo grand-mère n’a pas que des grandes oreilles et de grandes dents !
* La compagnie des loups. Angela Carter. Ed. Seuil. Collections Points.
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