Les dessins au fusain d’une vingtaine de soldats se succèdent de part et d’autre du tapis rouge qui traverse la pièce. Au repos ou en mouvement, le fusil pointé vers l’avant ou baissé, les hommes en armes sont brossés d’un trait rapide, comme pour les retenir. Adel Abdessemed est fasciné par la violence, comme elle fascine les médias et la société. Avec cette attirance un peu bravache pour les coups d’éclat, il se met en scène dans la petite vidéo qui ouvre l’exposition où une lance, peut être venue des limbes, le transperce alors qu’il traverse son atelier. Ce n’est pas moi qui suis violent, ce sont les autres. Sur la pierre tombale de Marcel Duchamp, il est écrit « La mort, c’est toujours les autres. » C’est de notre temps. Je ne sais pas comment on peut produire une œuvre d’art, quelle qu’elle soit, sans l’évoquer. Il y a des images qui me hantent comme elles nous hantent tous. En tant qu’artiste, elles s’imposent en moi. J’en fais une œuvre d’art pour m’en débarrasser et passer à autre chose, d’une manière qui peut être très violente et très douloureuse.