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Des chauves-souris, des singes et des hommes, (c) Paule Constant, Barroux et Gallimard
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Des chauves-souris, des singes et des hommes, (c) Barroux et Gallimard
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Des chauves-souris, des singes et des hommes, (c) Barroux et Gallimard

BD
La loi de la jungle

Gilles Bechet -

Dans un récit détaché et mélancolique Barroux adapte le roman de Paule Constant pour raconter l’apparition de la fièvre d’Ebola. Un ennemi invisible qui se soucie peu des frontières et peut s’adapter à la jungle urbaine comme il l’a fait de la jungle végétale.

Le pitch

A la recherche de mangues tombées de l’arbre, la petite Olympe découvre un bébé chauve-souris qui la fixe avec ses grands yeux noirs, luisants comme des grains de poivre. Cachant l’animal frissonnant au creux de son poing serré, la fillette la ramène au village. A peine une dizaine de cases au bord de la rivière Ebola en République Démocratique du Congo. Elle précède ses frères partis à la chasse en forêt et revenus avec la carcasse d’un grand Gorille. Tout est en place pour que l’invisible épidémie quitte la jungle pour entrer dans le monde des humains.

Une nature supposée bienveillante

Adapté du roman homonyme de Paule Constant, ce récit graphique de Barroux peut se lire comme une fable, pourtant on n’est jamais très loin de la réalité où chaque protagoniste de cette tragédie semble avoir une guerre de retard. Les populations locales s’en tiennent à la magie et aux interdits, impuissantes devant ce qu’ils ne voient pas et ne comprennent pas. Les occidentaux ne sont pas mieux lotis, loin de leurs labos et de leurs certitudes, ils ne peuvent isoler la maladie et ses vecteurs de propagation. Cette année, la fièvre hémorragique Ebola a fait sa réapparition en République Démocratique du Congo, avec son cortège de victimes. Lorsqu’elle est apparue, personne ne l’attendait. Née dans une nature supposée bienveillante où l’homme cohabite avec l’animal, l’épidémie a le temps de s’étendre avant que l’on comprenne pourquoi les enfants pleurent des larmes de sang.

Un détachement mélancolique

Impressionniste, la narration associe images et texte sans passer par les phylactères. Le dessin brossé de Barroux avec ses larges touches de couleurs et son côté brut, parfois aux limites de l’abstraction apporte un contrepoint sensible et subtil à la fine écriture ciselée du texte. Le décor de cette histoire dont on connait l’issue est une Afrique qui ne fait plus rêver, des villages réduits à la survie, visités par les vendeurs de pacotille, par des bonnes sœurs, les désenvoûteurs et les médecins bien intentionnés, chargés des vaccins pour les maladies d’hier. Le récit raconte ces rendez-vous manqués avec un détachement mélancolique Dans ces paysages sans fin sous un ciel immense, c’est cette impression de fatalisme qui pèse le plus lourd.

A chaque époque, ses épidémies

Les épidémies ont toujours existé. Certaines disparaissent alors que d’autres attendent leur heure pour revenir, ou pour apparaître et prospérer. Reste à la science de les traquer sans relâche. Mais peut-être que chaque époque est confrontée aux épidémies qu’elle a fait naître malgré elle comme des docteurs Frankenstein qui s’ignorent.
Hier la rivière, aujourd’hui la voie des airs, la mondialisation a facilité les échanges et les déplacements en surmultipliant les risques de propagation. De la jungle végétale à la jungle urbaine, les frontières n’existent pas pour les virus.

 

Des chauves-souris, des singes et des hommes, Paule Constant / Barroux, Gallimard Bande Dessinée, 80 pages couleur, 18 €