Joris Mertens signe un premier album au dessin somptueux qui est un hommage au cinéma et au romantisme des néons.
Un sac rouge
Son trench rouge est comme une lanterne dans la foule grise et terne qui se presse sur les grands boulevards. Après une journée de travail dans le grand magasin chic où elle est vendeuse, Béatrice rejoint son appartement de banlieue. Dans la cohue de la grande gare où elle prend son train, elle remarque un sac rouge appuyé contre un pilier métallique qui semble l’appeler.
Show don’t tell
C’est ainsi que débute Béatrice, un album de BD sans paroles qui se déroule comme un long plan cinématographique dessiné d’une patte virtuose. Avec cet époustouflant ovni nostalgique, le belge Joris Mertens, art director et storyboarder pour le cinéma et la télévision, signe son tout premier album à 51 ans. Son amour pour le cinéma transparait dans chaque case et dans chaque page. Du 7ème art, il a gardé l’adage Show, don’t tell (Montre, ne raconte pas). Son dessin nerveux et fouillé remplace une caméra amoureuse du détail et de l’ambiance. Alternant les grands dessins plein page aux cases rapprochées, il joue comme un monteur avec l’accélération et l’étirement du temps.
Fameux néon
La grande ville où évolue Beatrice mélange comme dans un rêve des fragments de Paris, Bruxelles ou d’Anvers. Les galeries La Brouette où travaille Beatrice rappellent avec son faste poudré et son grand escalier les célèbres grands magasins parisiens. La tour Glou Glou, avec son fameux néon qui se détache dans un coin de ciel nocturne fait penser à l’ancienne tour bruxelloise coiffée du logo d’un célèbre apéritif italien. Ou encore, ce Café Faust qui emprunte son décor aux célèbres cafés bruxellois Grande Epoque, le Falstaff et le Cirio.
Ville fantasmée
Dans le sac qui attire Béatrice comme un aimant, il y a un album photo rassemblant les clichés noir et blanc d’un couple des années 20 dont la fille, coupe au carré à la Louise Brooks, lui ressemble étrangement. Fascinée, elle suit les traces du couple amoureux. Mais en 40 ans, la ville a bien changé.
Il y a beaucoup de nostalgie dans cette BD dans laquelle Joris Mertens s’est lancé après avoir déniché un vieil album photo aux puces. S’en dégage une nostalgie pour une ville fantasmée dans le cinéma des années 20 et 60. Pour une ville où l’on tombe amoureux, une ville qui scintille de la lumière des néons, des vitrines de magasins et des rêves inassouvis.
Beatrice, Joris Mertens, Oogachtend, 112 pages couleurs, 24,00 €