Chaque vendredi, Anouk Van Gestel repère le meilleur des sorties littéraires, relie les genres, réveille les classiques oubliés, partage ses trouvailles insolites et ses rencontres d’auteurs, d’ici ou d’ailleurs.
Vous avez aimé
Après le silence, Didier Castino
Vous serez secoué.e par A la ligne
Joseph, jeune breton, a terminé des études littéraires à Reims. Il est amoureux et décide de quitter la ville pour vivre avec la femme qu’il aime dans un coin perdu de Bretagne. Débute une recherche d’emploi en ligne avec ses études. Rien. Pas l’ombre d’un début d’espoir. Comme il faut bien vivre, il devient ouvrier intérimaire dans des usines de poissons et des abattoirs. Un boulot subi plus que choisi. La charge est lourde, à la chaîne, ce travail attaque tant le corps le corps que l’esprit. Tous les jours pareils ou presque. Joseph passe du travail de jour au travail de nuit, du déchargement de poissons à l’égouttage du tofu. Il raconte son quotidien, la précarité, et comment l’amour et la culture lui permettent d’endurer cette vie pénible.
L’extrait
Le matin c’est la nuit
l’après-midi c’est la nuit
La nuit c’est encore pire
Dès qu’on rentre dans l’usine c’est la nuit
Les néons
L’absence de fenêtres dans tous nos immenses cubes d’ateliers
Une nuit qui va durer nos huit heures de travail minimum
On sort du sommeil encore marqué de rêves d’usine
pour replonger dans une autre nuit
Artificielle froide et éclairée de néons
Dès lors
C’est comme si
On continuait la nuit
Entre les lignes
Ecrit sans ponctuations, entre poésie et slam, ce livre est un témoignage sur le quotidien des ouvriers. La pénibilité du travail, les horaires qui changent constamment, le rythme à suivre, les pauses clopes, la fraternité dans l’effort, le corps qui morfle, le désespoir aussi. Une plume talentueuse, un phrasé instruit et populaire, des sentiments sincères et emplis d’humanité, le tout en font un récit d’une poignante beauté.
À la ligne, Joseph Pontus, Folio éditions, 7,50 €.