Dans le cadre de BrusselsDesignSeptember, une retrospective du travail du créateur belge autodidacte Ado Chale à Bozar. Le visiteur peut y apercevoir le mobilier et les plateaux de tables en résine et pierres qui ont fait sa réputation. Son style singulier a fait le tour du monde ! A (re)découvrir sans plus attendre !
Ravissement
Trop souvent, nous avons tendance à nous perdre en considérations techniques ou formelles, au point d’oublier que l’art est un ravissement. Posons la question sans détour : Quel est le pouvoir d’Ado Chale ? Probablement, s’agit-il de sa séduction. Mais qu’est-ce que la séduction ? La séduction n’est jamais de l’ordre de la nature, mais de celui de l’artifice – jamais de l’ordre de l’énergie, mais de celui du signe et du rituel écrivait Jean Baudrillard.
Pouvons-nous être séduits par des objets sans céder au fétichisme ? D’emblée, c’est la sensualité de ce travail qui interpelle. Cette immense vague sensuelle tient de l’irrationnel. L’univers de Chale ne fait pas uniquement appel aux forces de la nature ou au registre artisanal de la production, il requiert l’onirisme. Son onirisme réside dans les matières qui s’irradient à mesure qu’elles apparaissent. Toute son oeuvre consiste à réaliser une mosaïque sensuelle et poétique de l’organique.
Chez lui, chaque matière veut être regardée et touchée pour ce qu’elle est. Attirante à souhait, presque à l’excès, dans le moindre de ses chatoiements, elle provoque sans répit. C’est comme si la matière n’était jamais aussi réelle que lorsqu’elle confine à l’irréel. Le spectateur répond sans délai à cet appel sensible.
Lignes
Faites l’expérience : ce mobilier peut faire cesser une conversation inutile. Il n’est pas question ici de luxe, qui impose toujours un silence gêné, mais de l’émerveillement qui accompagne la découverte d’un monde inconnu. Son sens du dessin y contribue grandement. Sa ligne et sa courbe, partagées entre les méandres et les confluences, décrivent un voyage. Intensément libre, faisant fi des modes, il semble dessiner à la main dans l’espace, attirant à lui, tel un mage ancien, les boutons de nacre, les pierres cristallines et les fragments d’os.
Ado Chale est ferronnier de formation. Mais c’est surtout un remarquable chineur. Depuis toujours, il aime assembler les topazes, les citrines, les agates et les turquoises. Très tôt, il s’est passionné pour différents types de matière : des pierres, du bronze, de l’aluminium, des grains de poivre, de la résine epoxy. Rien de précieux, de superficiel ou de simplement ostentatoire chez lui, mais, au contraire, une nécessité : ne pas distinguer, ne pas classifier. En retrouvant les quatre éléments, il dévoile la transparence du réel dans son apparence la plus rêveuse. L’eau, le feu, la terre et l’air, selon les gammes de couleurs, se répondent et s’attirent, font refluer « l’objet » vers les rives d’un grand rêve enraciné.
Rêve
On ne rêve pas profondément avec des objets. Pour rêver profondément, il faut rêver avec des matières disait Gaston Bachelard. Chale, dans ses myriades d’éclats lumineux, creuse des voies terrestres pour l’imagination. Il a créé sa propre mythologie; c’est un miroir déposé sur l’épiderme du monde. Par cette confrontation onirique avec les matières, offertes ou travaillées, il a essayé d’annuler la différence entre l’intérieur et l’extérieur. En cherchant à unifier le corps du spectateur avec les multiples facettes de la matière, c’est une totalité vivante qu’il fait surgir, telle la fameuse Goutte d’eau. Chaque scintillement nous transporte dans un lieu où la beauté, pour ne jamais finir de s’écouler, parcourt les sillons et les rainures.Tous ses reflets du cosmos sont autant de fenêtres sur un charme qui ne révèle jamais son sens.
Ado Chale Alchimiste. Artisan. Designer.
Bozar 23 rue Ravenstein, 1000 Bruxelles. Jusqu’au 24 septembre. Du mardi au dimanche de 10h à 18h.