Cette année, Art on Paper ce sera 50 solo shows avec du dessin sous toutes les formes et toutes les techniques. Parmi ces artistes, François Jacob, présente chez Rossicontemporary une sélection de fusains récents qui invitent à s’égarer dans la nostalgie d’un monde qui n’a jamais existé.
Illusion
J’ai appelé l’exposition « Et mon doigt de glisser entre les rideaux » en référence au rideau du spectacle et à ce moment qui précède le spectacle, quand il y a une sorte de condensation de l’énergie entre le public et l’illusion du réel. La peinture est affaire d’illusion, illusion du réel et de la perspective, illusion de la couleur, de l’espace, de la matière et de la lumière. François Jacob compose avec tout ça une peinture hors du temps, obsessionnelle comme passée sous l’objectif d’une lanterne magique.
Flou
Pour Art on Paper, l’artiste bruxellois présente une série de fusains récents au noir tranchant. On pense à des vieilles photos noir et blanc tombées d’un album dépareillé. On en perçoit intuitivement des liens entre les images, mais dès qu’on tente de les rationaliser, ils s’évanouissent comme une écharpe de fumée.
Dans sa peinture comme dans ses dessins, il y a souvent ce flou qui couvre les images, pareil au flou de la mémoire, au moment où l’on se demande si on a bien traversé cet instant ou peut-être remontent des choses que l’on ne veut pas se souvenir trop précisément. Je trouve que le flou permet de garder une distance entre la main de l’artiste et l’image. Il amène ce rendu qui permet de rentrer un peu plus dans l’image sans glisser devant l’écran de la virtuosité.
Indices
Le monde de François Jacob est ambigu et discontinu, comme reflété par la boule à facette de la mémoire ou éclairé par les feux de la rampe. On y rencontre la douceur et le monstrueux, le lendemain de la fête lorsqu’on regarde le soleil se lever, le cœur empli d’espoirs et de souvenirs de gestes, de cris et de caresses. Une pantomime grotesque n’est jamais loin, au même titre que les frondaisons luxuriantes d’un jardin aux allures de paradis désordonné.
François Jacob ne tient pas à expliciter le sens de ses images. Il y a des indices qui mettent sur la piste. Je ne fais que faire des tours autour de quelque chose. Je n’ai pas envie de figer les sens.
Dans cette série de fusains, les images se juxtaposent comme autant de récits à tiroirs. Rien n’est spectaculaire au premier abord. Il y a des personnages, femme enjouée ou mutique comme ces villageoises qui voient beaucoup, connaissent bien de secrets mais parlent peu et puis parfois quand elles parlent, car elles savent aussi se montrer bavardes, pour noyer le poisson.
Le cirque n’est jamais très loin. Mademoiselle Pierrot fait la révérence, et dans le coin d’une grange, deux filles répètent leur numéro de cirque devant un rideau tendu. Peut-être se sont-elles cachées ou ont-elles été punies, on ne sait pas.
Artifices
Si dehors il y a des agaves, une sauvageonne habite la nature luxuriante de ce jardin et dissimule son visage derrière une feuille large comme une pagaie.François Jacob se retourne aussi sur son atelier pour dessiner l’envers de la toile qui devient un enchevêtrement de structures qui participent à la construction de l’illusion et ressemblent étrangement à la galerie souterraine qu’on voit sur un autre dessin. La peinture creuse dans la mémoire comme dans un monde enfoui dont elle extrait des pépites qui scintillent doucement et longtemps.
Une des images les plus curieuses est celle de l’Architecte, un homme en cache-poussière qui ajuste une structure faite de baguettes de bois en suspension, un peu au-dessus de lui. Comme un illusionniste ou un peintre qui construit sa toile. C’est une image où il est question d’artifices. Les constructions humaines sont le reflet de la propension de l’homme à vouloir contrôler, reconstruire, et représenter. Il est là en opposition avec la nature qui, elle, ne construit pas. Elle est. A la fois anarchique et ordonnée, elle incarne la perfection. Et malgré toutes les tentatives, on n’arrive pas à la contenir.
Langage
Metteur en scène de l’illusion, François Jacob nous la rend paradoxalement vraie par l’émotion, la matière et la lumière de son dessin et des artifices qu’il use avec doigté. Dans ma peinture, je recherche un langage, un petit peu comme un oiseau qui chante, tout en gardant des objectifs. C’est un équilibre particulier entre le challenge et un certain état de grâce. »
François Jacob, Art on Paper
6 > 9 oct
Bozar
Rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles
11 > 19 h
Rossi Contemporary
Rivoli Building, ground floor #17
690, chaussée de Waterloo (Bascule)
1180 Bruxelles