Juste pour leur plaisir et celui des lecteurs Fred Bernard et Benjamin Flao ont conçu Essence, un épatant récit onirique où ils ont fait vrombir leur passion pour les bagnoles et leur amour de la BD.
A tombeau ouvert
Achille aime mettre les mains dans le cambouis, tâter les bielles et caresser les carbus. Et appuyer sur le champignon. Un vrai fondu des bagnoles. Alors rouler, rouler et changer de véhicule comme de paysage en un clin d’oeil, c’est le rêve. Au début seulement. D’abord il faut trouver de l’essence dans un paysage où les stations service sont aussi arides que le gosier d’un randonneur dans le Sahara. La fille qui l’attend sur le siège passager d’une Ford Mustang est belle d’accord, mais elle n’arrête pas de poser des questions et ne répond à aucune de celles qu’on lui pose. Sans lui donner la moindre direction à suivre.
Purgatoire
Essence est un cadeau. Un album qui fonce plein tubes entre les genres en évitant les collisions au dernier moment. Entre BD classique et roman graphique, ils ne choisissent pas. Récit introspectif et polar nerveux. A chaque page, on sent que les auteurs, pas tout à fait des nouveaux venus, Benjamin Flao au dessin et Fred Bernard ont voulu se faire plaisir dans un récit nourri de leur amour de la BD et des bagnoles. Le pitch est simple Achille est mort, il est au purgatoire. La mystérieuse jeune femme est son ange gardien à qui il doit, tout en roulant, détricoter les circonstances de son trépas, obstinément nébuleuses.
Jeu de piste
Sous un soleil de plomb, c’est un personnage en sursis qui traverse un no man’s land déglingué où apparaissent comme des mirages des résidus de son inconscient et de ses vies antérieures. Il y rencontre un ex coureur automobile reconverti dans l’oisiveté de luxe, un James Dean pas très causant ou une employée de supermarché irascible. Surgissant du désert avec l’a-propos d’un kaléidoscope, les décors de parkings crasseux succèdent aux villes souterraines déglinguées ou aux quartiers modernistes aux volumes colorés.
Dans sa course à toute berzingue Achille nous mène dans un jeu de piste avec les subtiles références aux grands classiques de la BD de Hergé à Moebius en passant par Franquin.
Infra-monde
Le plaisir de lecture est aussi visuel avec l’élégant format carré qui fait respirer les cases et les dessins tantôt épurés, comme écrasés par le soleil de l’infra-monde et tantôt fourmillant de détails pour camper les décors hallucinés de ce drôle de voyage. Le récit culmine et se conclut par une trépidante course-poursuite entre une Porsche 911 et une Mercedes. On reprend son souffle dans une ultime ellipse et un dernier vrombissement de turbines. En attendant le tour prochain.
Essence, Fred Bernard & Benjamin Flao, Futuropolis, 184 pages, 27 €
Disponible sur BAZAR e-SHOP