Dans son roman graphique Americana, le jeune irlandais Luke Healy raconte ses cinq mois de périple le long du Pacific Crest Trail, un sentier de randonnée qui traverse les Etats-Unis, de part en part. Le récit addictif d’une aventure physique et intime pour aller jusqu’au bout de ses rêves.
Le graal des randonneurs
Le Pacific Crest Trail s’étend sur 4240 kilomètres de la frontière mexicaine à la frontière canadienne. C’est le graal des randonneurs, un chemin qui traverse 25 parc nationaux passant du désert à la glace au milieu de paysages à couper le souffle. C’était devenu l’obsession d’un jeune irlandais passionné, auteur de BD qui a faim d’Amérique et veut s’en gaver jusqu’à faire passer le goût. Sans être spécialement sportif ni randonneur aguerri, il décide de se lancer dans l’aventure pour 5 mois de marche avec un sac à dos de plusieurs dizaines de kilos et autant de nuits à la fraîche.
Deux années de préparation
Fraîchement diplômé du Center of Cartoon Studies, il propose à plusieurs éditeurs de rédiger un récit de son aventure en BD, mais personne ne se montre intéressé. Il abandonne l’idée et après deux années de préparation, il s’engage sur la piste de randonnée sans prendre de notes, ni croquis et très peu de photos. C’est quelque mois après son retour en Irlande qu’il décide d’en faire un livre, racontant son périple de mémoire.
Epreuves intenses
En VO, le titre complet de son bouquin est Americana (et comment s’en sortir) Et c’est de ça qu’il s’agit, d’une épreuve de volonté, autant qu’un défi physique. Sur les trois mille marcheurs qui empruntent le sentier chaque année, seule une centaine parvient à boucler l’itinéraire. Parti avant le début de l’été et l’assèchement des points d’eau, Luke espère arriver au Canada avant les premières neiges. Il y arrive après 147 jours d’épreuves intenses, de moments de doute et d’émerveillement.
Communauté de marcheurs
Avec candeur et humour, et avec son dessin simple et efficace, il nous raconte son quotidien fait de sources asséchées sous le cagnard, de nuits de pluie intense sous une tente qui s’affaisse, les occasionnelles rencontres avec les bêtes sauvages. Le PCT c’est aussi une communauté de marcheurs que l’on croise et qu’on retrouve pour un bout de chemin, le partage d’un repas de choix, un sachet de ramen, un sachet de purée lyophilisée avec des doritos émiettés en guise de croutons. Et puis, il y a ces Trail Angels, des anciens marcheurs, venus habiter à proximité du sentier pour offrir le gîte ou le couvert aux randonneurs de passage.
Vivre autre chose
Les kilomètres défilent et on emboite le pas du marcheur. On vit avec lui, au jour le jour. Ses moments d’exaltation, de doute et de douleur, les pépins physiques. Même la maladie et puis la mort d’un grand-père dans la lointaine Irlande ne le font pas dévier de la route. Puis vient le moment où il est certain qu’il ne fera plus demi tour et qu’il est temps de vivre autre chose. Humain et addictif, candide et lucide, son récit ne s’adresse pas uniquement aux adeptes du trekking, loin de là, mais à tous ceux qui ont envie de partager, une aventure intime dont on ne sort pas indemne.
LIRE ICI L’INTERVIEW LONG FORMAT de LUKE HEALY
Americana, Luke Healy, Casterman, 336 pages couleurs, 23 €