Dans le premier volume d’une trilogie prometteuse, Mathilde Van Gheluwe nous plonge dans une ville étrange et envoûtante dans les pas de la petite Lele toute dévouée à sa titanesque mère.
Poèmes mélancoliques
Dans Funky Town, la ville aux néons et aux grandes fenêtres rondes tout le monde semble s’amuser, jour et nuit sans penser à rien.
Tout le monde ? Lele, petit pierrot disco, fend la foule des noceurs pour se glisser hors des murs de la ville jusqu’à la cabane de Baba Yaga, la sorcière. Comme tous les matins, la petite fille vient chercher la potion indispensable à sa monstrueuse maman, vautrée dans un lit qu’elle ne quitte pas.
Lele est obligée de regarder la ville de haut depuis les fenêtres de sa chambre où elle trompe sa solitude en écrivant des poèmes mélancoliques et en bavardant avec son chat.
Mais bientôt, Lele va fêter ses douze ans et tout va changer pour elle avec le cadeau inattendu d’un drôle de Golem qui lui ressemble comme deux gouttes de porcelaine.
Sourdes menaces
En 2016, la belge Mathilde Van Gheluwe, publiait avec Valentine Gallardo Pendant que le loup n’y est pas, un récit onirique et allusif sur les petites joies et les tracas quotidiens de l’enfance alors que dans les cours de récréation on chuchote qu’un vilain monsieur dans une camionnette blanche enlève les petites filles.
Avec le conte étrange et cruel de Funky Town, elle change de registre même si on y trouve cette même dualité entre le monde imaginaire de l’enfance et les sourdes menaces de l’extérieur. Le récit, sous-titré L’histoire de Lele, est le premier tome d’une trilogie. Bien des questions y restent donc sans réponse. Quelle est l’origine de cette étrange ville hédoniste et de ses habitants ? Quelle malédiction frappe la maman de Lele ?
Délicat et ouvragé
Récit d’initiation fantastique et merveilleux, Funky Town est une pelote de références et d’influences dont le fil narratif, centré sur Lele, se déroule sans peine. Comme dans les contes, il y a tout un sous-texte symbolique autour du passage à l’âge adulte, de la dépendance affective et du refus du conditionnement subtilement incarné par un chat vagabond et espiègle. Lele qui vit dans l’imaginaire de l’enfance est incapable de voir la laideur ou la duplicité ni de réaliser qu’elle vit dans une prison dorée.
Trait noir et blanc
Le dessin délicat et ouvragé de Mathilde van Gheluwe qui puise tant dans les lignes déliées de Little Nemo, le dynamisme du manga que dans la lisibilité de la BD franco-belge est parfaitement mis en valeur par le trait noir et blanc. Le décor est un personnage à part entière, jouant des contrastes entre l’abondance et le dénuement et entre les néons, l’architecture de la ville et la sombre forêt. Lele n’est certainement pas au bout de ses surprises, le lecteur non plus.
Mathilde Van Gheluwe, Funky Town : L’histoire de Lele, Editions Atrabile, 136 pages N& B, 15 €