Auteur et dessinateur virtuose, Jorge Gonzalez est aussi le petit fils du footballeur du même nom qui a fait vibrer les stades argentins dans les années 30. Dans un éblouissant roman graphique, il suit à la trace, et sur quatre générations, la passion et la vocation pour la petite balle de cuir.
Buenos Aires
1903, dans l’obscurité poisseuse d’une banlieue industrielle de Buenos Aires, on assiste à deux naissances, celle d’une future étoile du ballon rond et celle du stade du Racing Club de Avellaneda, un des clubs de football argentins le plus titré. Le récit va ensuite se déployer par petites séquences sur plus d’un siècle et quatre générations.
Dans les cœurs et les esprits
Dans ce roman graphique largement autobiographique, Jorge Gonzalez raconte le parcours de son grand-père homonyme, vedette des stades argentins dans les années 30. Le choix de son père qui renonce au foot pour travailler au ministère, et puis sa propre flamme pour la BD suivie d’un exil en Espagne. Mais le ballon n’est jamais très loin comme en témoigne l’arrivée de ses deux enfants. En racontant la passion ou des vocations contrariées d’une dynastie de footballeurs, ce qui intéresse l’auteur et dessinateur argentin, ce n’est pas tant ce qui se passe dans les stades, même si il l’évoque, c’est plutôt ce qui bouillonne dans les cœurs et les esprits, et c’est parler de vocation, de transmission, et de rapport père-fils.
Dessinateur virtuose
Au delà du récit qui défile comme un puzzle intime et temporel, ce qui éblouit dans cette flamme, c’est l’audace et l’inventivité graphique. Sur près de 300 pages, Jorge Gonzalez emmène son récit en bande dessinée aussi loin que possible dans le langage plastique sans jamais perdre le fil de sa narration et de ses personnages. Il y change de rendu, comme de style, passant du réalisme photographique au croquis enfantin, des ambiances grises et bistres de la ville au bleu et jaune de la côte. Dessinateur virtuose, il jongle avec les grandes cases, les séquences sans paroles et ose même des pages monochromes pour être au plus près des émotions.
Geste technique
On a parfois tendance à voir les « fils de », comme des petits privilégiés, qui choisissent un métier par facilité, ou par manque d’imagination. Jorge Gonzalez nous montre que ce n’est pas aussi simple. Qu’est ce qui détermine une vocation, une passion ? Est-ce inscrit dans les gènes, dans l’éducation ou est-ce, pour paraphraser le plus illustre des joueurs argentins, l’intervention de la main de Dieu ? Jorge Gonzalez, premier du nom, était célèbre pour son incandescente tignasse rousse, sa vitesse de course et aussi pour l’improbable geste technique du ciseau. Que personne après lui n’a pu reproduire, même pas ses enfants et petits enfants.
La flamme, Jorge Gonzalez, Dupuis collection Air Libre, 280 pages couleur, 39 €,