C’est un western en cinémascope et en huis-clos. Trois personnages sous l’implacable soleil du Texas. On est quelques années après la guerre de sécession, à l’aube d’un temps nouveau. Il y a Mr Stingley, brusque et méprisant, qui veut cartographier, répertorier ce paysage aride pour y bâtir un monde parfait. Et puis, Oscar, le photographe dandy, pas vraiment à sa place sauf qu’il est en fuite d’on ne sait pas trop quoi et puis le beau et mystérieux jeune garçon de ferme qui parle la langue des chevaux. Trois personnages qui se jaugent, s’esquivent et font de leur mieux pour cacher leurs intentions et leur passé.
Paysages organiques
Frederik Peeters revient sur terre après aâma, son space opera existentiel. Avec un coup de pinceau inimitable pour rendre les paysages organiques et étranges. En territoire comanche, il ne s’en prive pas avec ses rochers abrupts, son désert caillouteux et ses bouquets d’arbres qui semblent aspirer la moindre goutte d’eau disponible. Son dessin est tellement expressif qu’il se permet de longues séquences sans paroles, de jour comme de nuit, où les regards et les gestes révèlent bien plus que ce que les mots veulent bien dire.
Récit en trompe l’œil
Dans le ciel blanchi par l’implacable lumière du Texas, on voit d’étranges formes apparaître. Des apparitions-disparitions qui sont au cœur de ce récit en trompe l’œil. Il y a les images inversées qui apparaissent dans l’objectif de l’appareil photographique et puis sur les plaques de verre. Il y a ces Indiens silencieux qui surgissent du paysage comme s’ils en étaient l’émanation et enfin ce mystérieux chasseur de prime qui pourrait aussi bien émerger des enfers. Et puis, à fleur de peau, ce désir physique qui bouillonne et balaie tout sur son passage. Dans ces grandes plaines où l’effacement des contours crée un irrépressible chaos, l’esprit peine parfois à s’accorder sur ce que voient les yeux.
Envoûtante aventure
La scénariste Loo Hui Phang signe un récit dense, superbement écrit et dialogué, qui se dévoile peu à peu mais qui a l’élégance de maintenir certains de ses mystères jusqu’au bout. Et on referme le livre avec bien plus de questions qu’en y entrant. Mais avec le plaisir d’avoir vécu une envoûtante aventure aux échappées oniriques.
L’odeur des garçons affamés, Frederik Peeters, Loo Hui Phang, Casterman, 108 pages, 18,95 €
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