En adaptant un roman américain situé en Alabama dans les années 20, le jeune auteur français Alex W. Inker signe avec Un travail comme un autre une fable de rédemption tragique magnifiquement racontée et mise en images.
Les prodiges de l’électricité
Alabama dans les années 20. La crise frappe durement les petits fermiers du sud qui abandonnent leur terres dans l’espoir de survivre. Par amour, Roscoe a repris, avec sa femme Mary, la ferme de son beau-père, mais les travaux des champs ne l’intéressent pas. Ce qui le fascine, ce sont les prodiges que permet l’électricité amenée par les câbles qui surplombent la grand-route. Sans ressources, il croit s’en sortir en détournant les câbles de la compagnie locale. Malheureusement pour lui, le décès accidentel par électrocution d’un employé de la firme l’envoie pour 20 ans au pénitencier de Kilby, le pire de la région.
Une histoire âpre et rude
Rongé par la culpabilité et illuminé par l’amour pour sa femme, Roscoe supporte les brimades, la violence et accepte avec candeur et abnégation tous les boulots qu’on lui impose. Un travail comme un autre est au départ un roman de l’auteure américaine Virgina Reeves, une histoire âpre et rude où se conjuguent la passion, la rupture amoureuse, le ressentiment, la honte, le racisme, la violence et la misère sociale. Jamais Roscoe ne perd espoir. Il croit en lui, en ses capacités de rédemption et en un avenir meilleur.
Souffle cinématographique
Alex W. Inker est un jeune auteur français de bande dessinée qui a étudié à St-Luc Bruxelles. En adaptant le roman, il choisit une interprétation personnelle plutôt qu’une traduction littérale. Avec finesse et intelligence, il s’appuie sur les forces que puise la BD dans la narration en images. Plutôt que de tenter de reproduire l’introspection psychologique que permet l’écriture, il joue de l’ellipse et de la puissance expressive du dessin et des métaphores visuelles. Le master en cinéma dont il est titulaire explique sans doute aussi le souffle cinématographique qui parcourt son récit. Graphiquement, l’auteur se met au diapason de l’époque avec une bichromie aux couleurs nostalgiques. Son trait au pinceau souple et épais rappelle quelques grands des comics et atténue un peu la dureté et la violence du propos pour donner à son histoire des allures de tragique fable initiatique.
Un travail comme un autre, Alex W. Inker, Editions Sarbacane, 184 pages bichromie, 28 euros