Dans son nouvel album, l’américaine Angel Olsen soigne ses peines d’amour en 11 chansons vibrantes, sensuelles et épiques portées par de somptueux arrangements de cordes et une voix comme il y en a peu, habitée du velours et des aspérités de toutes les émotions.
Personne n’est préparé à la fin d’une histoire d’amour. Des charivaris de sentiments comme des glissements de terrain. Il y a ce passé qu’on ne peut pas effacer. Les lézardes des doutes qui s’insinuent, l’absence de perspectives. L’envie de crier, de pleurer. Pour panser ses plaies, il y en a qui font du jogging, un voyage. Ou des chansons.
La fin d’une liaison
Angel Olsen était en tournée pour l’album My Woman quand elle a connu la fin d’une intense liaison amoureuse. Déconnectée d’elle-même, elle s’est mise à écrire des chansons qu’elle a voulu enregistrer dans une studio reculé de l’état de Washington. Seule accompagnée de sa guitare. Dans le dépouillement de ses premiers disques Strange Cacti ou Half Way Home.
Après quelques mois, elle décide de revoir sa copie et de complètement ré-enregistrer ses chansons avec un orchestre à cordes de 12 musiciens dans des arrangements de Ben Babbitt et Jherek Bischoff. Le résultat est somptueux, miraculeux.
Progression cinématographique
La fusion est parfaite entre sa voix tantôt caressante et murmurante et tantôt rageuse, puissante et les cordes qui tissent un canevas subtil, enivrant et parfois proche de la dissonance. Chacune des chansons semblent en contenir plusieurs. Bousculant les structures couplet-refrain, elles se succèdent dans une progression quasi-cinématographique d’ambiances et d’intensités changeantes avec une sureté mélodique jamais en défaut. Tout au long des 11 titres, Angel Olsen raconte, se raconte.
Refuge intérieur
Dans Lark, elle sort de son refuge intérieur pour se lancer dans le présent comme on plonge dans une mer profonde. Elle sait que tout a changé mais elle aimerait prétendre que tout pourrait recommencer avec deux amants qui ne se connaissent pas. Dans All Mirrors, elle est face au miroir qui dans le présent efface toutes les beautés perdues en même temps qu’il les contient. Dans New Love Cassette, elle glisse sur un murmure une déclaration d’amour comme si c’était la première fois. Dans Tonight, elle sort d’un rêve cotonneux, sans trop y croire en chantant J’aime l’air que je respire, j’aime la vie que je vis …. sans toi.
Une artiste d’aujourd’hui
Une des réussite de cet album, c’est d’être complètement actuel. Si dans les arrangements on peut reconnaitre des références tantôt aux sonorités d’un Nelson Riddle pour Peggy Lee, de Scott Walker ou même de Jean-Claude Vannier pour Gainsbourg, le résultat du tissage subtil entre les cordes, les instruments et de discrètes touches d’électronique est toujours personnel et surprenant. De même dans ses compositions, Angel Olsen peut titiller la ballade-confession, le rock de Nancy Sinatra, la pop sucrée des groupes de filles des sixties, ou les torch songs à la Brenda Lee, elle sonne toujours comme une artiste d’aujourd’hui curieuse, inventive, et en pleine possession de ses moyens. Une femme qui peut passer d’un souffle fragile à la rage contrôlée et n’a pas peur de s’affirmer et aller de l’avant.
Angel Olsen, All Mirrors, CD Jagjaguwar, 11 titres, 49’
Concert: De Roma, Borgherout, vendredi 7 février 2020