Kevin Morby a illuminé l’été des âmes en peine avec ses chansons solaires et délicates, parfaitement ciselées et balancées. Des histoires de vie d’une élégante maturité pour un musicien de même pas trente ans.
La musique de la ville, on peut l’entendre s’échapper d’une fenêtre entrouverte quand il fait chaud. Des dizaines de bruits se superposent, des musiques, des bruits de pas, de voitures, des engins, des cris et des bouts de conversations qui sont l’amorce d’histoires innombrables. La musique de la ville, du matin n’est pas celle de l’après-midi ou du soir. City Music est le quatrième album de l’américain Kevin Morby. Et c’est un disque parfait. Pas un chef d’œuvre, mais on sait que les chef d’œuvres sont parfois chiants. C’est un recueil de chansons sans prétention à l’instrumentation minimale où aucune ligne mélodique, aucun instrument, n’est superflu. Chaque son, juste bien placé, est d’une évidente simplicité. Morby ne va jamais jouer cinq notes si quatre peuvent faire l’affaire. Si les thématiques, la solitude, les cœurs brisés sont parfois tristounettes, les chansons ne le sont pas, elles sont là pour donner du courage, voir la vie sourire au bout du tunnel. Encore tout jeune après deux groupes et trois albums solo, Kevin Morby livre une musique décomplexée, intemporelle. Les fantômes de Lou Reed, Dylan ou Leonard Cohen s’incarnent par moments sans jamais s’incruster.
Un type normal
Come To Me Now ouvre l’album avec sur un ton crépusculaire, une percussion et un orgue fantomatique. On imagine une valse triste dans une salle de bal déserte où flotte une poussière dorée. Kevin Morby a imaginé le personnage de Mabel, une vielle femme vivant recluse dans son appartement de Manhattan, volets baissés, dont elle ne sortait qu’à la nuit tombée.
Crybayby suit un personnage solitaire qui traine en ville, la nuit. Un type normal à qui on n’a pas envie de serrer la main. Il se met à pleurer et ça va beaucoup mieux. C’est une des deux chansons avec Tin Can ou Morby chante avec le détachement et la morgue d’un Lou Reed des beaux jours.
Errance solitaire
On s’est secoué tout va bien. 1234 est un irrésistible hommage aux Ramones et au chanteur et musicien Jim Carroll. Aboard My Train commence bien pépère pour accélérer le tempo et foncer à toute berzingue avec les guitares dans les oreilles, les cheveux qui s’envolent. Une chanson simple, solaire et optimiste avec ses cœurs qui font ha ha.
Dry Your Eyes est simple, minimaliste presque, et il n’en faut pas plus qu’une guitare en accord, une électrique qui brode ses petits solos et des ooohooh dans le fond.
Sur City Music les paroles sont réduites à peu de choses, Oh that City Music, Oh that city sound, et ça fonctionne, emporté par les chœurs et ce duo de guitares virevoltantes inspiré du Marquee Moon de Television. Night Time retrouve Mabel qui écoute des chansons tristes et regarde à la fenêtre. Morby transcende ce morceau de solitude avec douceur en une chanson légère et presque optimiste.
L’album se termine par Downtown Lights, une chanson qui rappelle le débit grave et chaloupé de Léonard Cohen. Encore une errance solitaire et nocturne d’un gars qui a vécu mille vies et connu mille morts. Il cherche la consolation dans les lumières nocturnes de la ville qui ressemblent à un incendie. La musique de la ville console les âmes en peine.
City Music, Kevin Morby, CD Dead Oceans records, 12 titres, 49 minutes
En concert vendredi 3 novembre, Botanique