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Rosalia
El Mal Querer Cover art (c) Sony Music

CD
LE FLAMENCO URBAIN
DE ROSALÍA

Gilles Bechet -

La jeune Rosalía réinvente le flamenco dans une fusion irrésistible avec les musiques urbaines. Elle a tout d’une grande, l’attitude, la voix et une ambition musicale qui devrait la mener loin.

 

 

Passion du flamenco

Rosalía Vila Tobella n’est pas la chanteuse flamenco telle qu’on l’imagine. Elle a 25 ans et elle préfère le streetwear et les tops fluffy aux robes longues et à la mantille à franges.
Pour son deuxième album, la Barcelonaise a greffé dans l’ancestrale musique gitane des sons urbains venus de la pop et du hip hop. Si elle a appris à chanter avec ses copains dans les parcs de la capitale catalane, elle a aussi développé une intense passion pour le flamenco qu’elle a étudié pendant 7 ans.

Histoire d’amour toxique

De Despacito à Havana de Camila Cabello, la musique latino a su conquérir un large public loin de sa fan base. Prête à conquérir le monde, Rosalía est déjà une star dans son propre pays. C’est au festival Electro Sonar où elle a brûlé les planches qu’elle a étrenné le flamenco urbain de son nouvel album.
El Mal Querer, que l’on pourrait traduire par « vouloir le mal » est un album concept en 11 chansons et autant de chapitres sur une histoire d’amour toxique vaguement basée sur Flamenca, un roman anonyme du 14e siècle qui raconte les épreuves d’une femme amoureuse que son amant a enfermée dans une tour.

Perle pop

Des jeunes gens qui parodient une corrida avec des gros cubes sur un parking, Rosalia et son gang de filles dans une gestuelle hip hop et un pénitent encagoulé qui fait du skate sur un planche à clou, la vidéo de Malamente, single avant-coureur de l’album casse résolument les codes du flamenco traditionnel, pour une perle pop irrésistible qui met en avant une femme sûre d’elle, en contrôle. Dans la vidéo de Pienso en Tu Mirá, elle sort les fusils à pompe et fait saigner le cœur des camionneurs.

Prendre des risques

Du flamenco, Rosalía a gardé le chant magnétique et ensorcelant et les « palmas », ces claquements de main qui rythment les mélodies vocales. Chanteuse et musicienne ambitieuse, elle a été aidée dans son alchimie musicale par son ami Pablo « El Guincho » Diaz-Reixa, producteur qui a déjà collaboré avec Bjork. Comme l’Islandaise, Rosalía veut défricher de nouveaux territoires.  Pour moi le plus important, c’est d’expérimenter avec la musique. Je suis dans le rouge et j’aime prendre des risques.  a-t-elle déclaré.

Rhytmique synthétique

De Aqui no Sales, illustre parfaitement son approche. La chanson s’ouvre sur un chant flamenco vibrant rythme de claquements remplacé par des samples de vrombissements et de motos qui freinent. Une rythmique de claquements de doigts synthétiques prend le contrôle pour un flamenco mutant. Sa voix tantôt lascive, tantôt autoritaire n’est pas son moindre atout. Mixée et tunée façon R & B, comme dans le céleste Bagdad elle se fait plus andalouse dans le plus traditionnel Que no Salga la Luna ou sur le surprenant Reniego où la mélodie vocale se déroule sur fond de cordes que ne renierait pas la Bjork de la periode Homogenic.

Quelques puristes ont grincé des dents en accusant Rosalía de s’approprier une musique qui est à l’origine un cri racontant la souffrance et l’oppression du peuple gitan. L’artiste a répliqué que cette musique, qu’elle respecte plus que tout, n’est la propriété de personne.

 

El Mal Querer, Rosalía, CD Sony, 11 titres, 31 minutes