Avec un premier CD publié chez Rough Trade, les 4 Goat Girl ont réussi un disque qui met la pêche, joyeux, inventif et décomplexé. Avec ses chansons courtes et ses instrumentaux atmosphériques, il fixe un portrait décalé de Londres au début de ce 21è siècle. Et malgré l’apocalypse, les filles en tiennent et ne se laissent pas faire. En concert à l’AB le 15 mai
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Joyeuse apocalypse
C’est un album de rock drôle, tonique, inventif et trash à la fois. Il est signé par quatre jeunes filles du sud de Londres qui répondent aux doux patronymes de Clottie Cream (crème fouettée), Rosy Bones (rose à l’os), Naima Jelly (confiture) et LED. L’album compte 19 titres qui alternent de courtes plages instrumentales d’ambiance avec des chansons bien enlevées sans un gramme de graisse en trop. Un drôle de carnaval aux allures de western urbain qui mélange le quotidien banal aux ambiances de série B. SF fusion qu’elles disent. Les politiciens sont menés au bûcher et les pervers du métro se font défoncer la tronche par la fille qu’ils mattent. Un homme sans coeur, ni cerveau est peut-être une belle bête question physique, mais pour le reste…
Boîtes à surprises
C’est comme un univers parallèle, une version bizarre et décalée du quartier où j’ai grandi. explique Clottie Cream, guitariste, chanteuse et parolière du groupe. Avec sa voix boudeuse, les trainantes guitares surf, une touche de violon et la rythmique lancinante qui sait bien jouer sur les attentes, leurs chansons sont comme des boîtes à surprises. Dans un paysage d’apocalypse, il y a, à défaut d’optimisme, la force du collectif, l’énergie de la jeunesse qui pulse dans l’irrésistible et lancinant Viper Fish avec son refrain
Ne verse pas une larme, ne crains rien, on a tous la honte. Si c’est désespéré, ce n’est pas grave pour autant confirme le sautillant Cracker Drool qui nous encourage à profiter de tout ce qu’on a avant que le machin n’implose.
Excentricité à l’anglaise
Avec ses courtes envolées atmosphériques, Goat Girl part en exploration. Au début on nous mettait dans la case des groupes guitare avec un son très rock alors que nos influences sont bien plus larges. On a voulu transcender les limites d’un style étroit pour explorer ce qui nous venait en studio quand on s’amuse avec des synthés, un violon et des collages sonores. On trouvait que ça manquait de liant entre certaines chansons. On a enregistré ces interludes deux mois plus tard en passant une nuit en studio et en improvisant ce qu’on avait envie en totale liberté. ajoute Rosy la batteuse.
Goat Girl cultive l’excentricité à l’anglaise, maniant le sarcasme et l’absurde avec gourmandise. Les textes sont truffés de mots précieux et d’associations inattendues. J’aime bien penser à la forme de mots et à leur côté rythmique autant qu’aux doubles sens qu’ils peuvent amener dans la chanson. Quand j’écris je ne pense pas à ce que je dis, je suis la mélodie dans ma tête et la signification vient après. reprend Clottie.
Filles et alors?
Dans un monde rock essentiellement masculin, Goat Girl ne la joue pas groupe de filles. Je suis arrivée la dernière dans le groupe et je suis certaine que si j’avais été un gars Goat Girl ne serait pas très différent. On veut pas mettre notre genre en avant mais plutôt la musique, même s’il est évident qu’être quatre filles crée une différence. Sur scène, je pense qu’on la joue plutôt neutre et naturelle sans être ultra féminines, de la même manière que tous les groupes avec 4 mecs ne sont pas menés par un gars qui crie en montrant ses muscles. note Rosy.
Parler librement
Dans le clip de la chanson The Man, les quatre girls détournent avec finesse une séquence du film Hard Day’s Night des Beatles. Après un concert devant des fans en délire, les filles sont prises en chasse par une horde d’hommes qui crient, pleurent et laissent parler leurs émotions. Pas le comportement qu’on attend des hommes quand ils s’agglutinent en tribu. Dans Country Sleaze, Clottie se met dans la peau d’un prédateur sexuel masculin à qui on n’a pas intérêt de résister. C’est marrant d’assumer quelque chose qui est vu négativement dans la bouche d’une femme alors que c’est accepté et même valorisé quand ça vient d’un homme. Les femmes devraient pouvoir parler librement de sexe et des plaisirs de leurs corps sans passer pour une trainée.
Sur scène, Goat Girl aime bien enchaîner les chansons les unes aux autres dans un flow continu. En fait, c’est une manœuvre pour ne pas donner aux gens le temps d’applaudir ou qu’ils se sentent obligés de le faire. Je me suis toujours sentie mal à l’aise à devoir parler entre les morceaux. Je préfère qu’on se concentre uniquement sur le set et la musique de Goat Girl. assure Clottie.
Goat Girl, CD Rough Trade, 19 titres, 41 minutes
En concert à l’AB le 15 mai