Près de 25 ans après sa sortie, Fire Records réédite le deuxième disque de Bark Psychosis, œuvre magistrale considéré comme l’album fondateur du post rock. Il serait dommage de laisser ces mélodies atmosphériques envoûtantes aux seuls cercles d’initiés. Si le groupe de Graham Sutton existe encore, il est hautement recommandé de revenir en arrière pour découvrir une musique qui n’a pas pris une ride.
Il y a des albums qui ne font pas de vagues à leur sortie, hormis dans quelques cercles de connaisseurs, et qui au fil du temps gagnent en réputation et en notoriété pour être même désignés comme fondateur d’un nouveau genre. C’est ce qui est arrivé au Hex du groupe anglais Bark Psychosis.
Post-rock
Dans sa critique de l’album, publiée en 94 dans Mojo, Simon Reynolds lançait le terme de post-rock qu’il développa par la suite pour en faire un style à part entière. C’est quoi le post-rock ? Une étiquette un peu fourre-tout et bien pratique où l’on trouve aussi bien les écossais calmes-déchainés de Mogwai, que les cérébraux jazzifiant de Tortoise et tout un paquet de groupes et musiques dont le seul point commun est sans doute d’être largement instrumentales.
Il faut bien dire qu’on s’en fiche un peu de tout ça si ce n’est qu’on salue la réédition du deuxième album du groupe de Graham Sutton, un disque indispensable, une musique intemporelle et envoûtante qui n’a pas pris une ride.
L’espace et le silence
Le nom du groupe et le titre de l’album auraient pu faire penser à une galette de dead metal lourd et écorché. Il n’en est rien. Hex est lumineux et aéré.
Sept compostions mélodiques et fluides qui s’étirent entre cinq et presque dix minutes comme un paysage vu à travers la vitre d’un train roulant au pas. Les instruments des plus classiques, guitare, piano, basse, batterie et percussions et d’occasionnelles lignes de chant dessinent un paysage sonore dépouillé mais fouillé avec ses avant-plans et ses arrières plans.
Enregistré dans un studio logé dans la crypte d’une église de Stratford, Hex est le fruit d’un minutieux travail de reconstruction des improvisations structurées des quatre musiciens. Une matière sonore où les instruments acoustiques étaient déstabilisés par l’électronique et les samples sans jamais perdre son côté organique. Après un an de travail, Bark Psychosis produisait un album miraculeux et le groupe tombait en morceaux.
Biberonné à la musique noise et expérimentale, Graham Sutton a fini par préférer l’espace et le silence. Son travail du son et de l’espace sonore rappellent The Blue Nile et le Talk Talk de la dernière période.
Le post rock est parfois assimilé à une version désossée et minimaliste du rock progressif, sans les solos et la virtuosité stérile. Dans la musique de Bark Psychosis, on en enlève plutôt qu’on en rajoute et on étire le tempo.
Paysage industriel
L’énigmatique photo de couverture évoque un bâtiment en feu quelque part dans la nuit, mais la musique, mélancolique et évocatrice n’est pas plus nocturne que diurne. The Loom évoque un paysage industriel traversé en train par un après-midi d’été. A Street Scene nous invite sur les trottoirs d’une grande ville où la foule se croise en accéléré, sans échanger un regard, quand tout à coup une échappée dans une rue déserte et ombragée offre une respiration inattendue.
La dernière plage Pendulum Man, un instru de près de 10 minutes s’étire au rythme d’un lointain tic tac de pendule comme un dessin à l’aquarelle de plus en plus diluée. Près de 25 ans après sa sortie, il n’est pas trop tard pour se plonger dans les envoûtants paysages sonores de Hex.
Hex, Bark Psychosis, CD Fire records, 7 titres, 51:11 minutes