Avec son deuxième album Don’t Shy Away, le trio Loma affine sa formule magique. Et nous offre onze chansons presque parfaites qui combinent dans sa riche palette sonore et émotionnelle la majesté des grands paysages à l’intimité de notre espace intérieur.
tissu musical léger et aérien
Le premier album de Loma n’était pas supposé avoir une suite. Jonathan Meiburg, Dan Duszynski et Emily Cross avaient laissé de côté leurs projets respectifs pour enregistrer des chansons organiques au charme onirique. Après une tournée, l’envie était là de faire plus et ils sont retournés dans leur ranch-studio isolé en pleine nature. Le résultat est envoûtant.
Ce qui fait leur son unique s’est encore affirmé. Dans ce nouvel album qui nous invite joliment à ne pas nous défiler de nos émotions et d’accepter l’inconnu (Don’t Shy Away), on trouve des éléments d’ambient, de folk, de free jazz, et de pop qui se dissolvent dans un tissu musical accueillant et aérien. Les instruments acoustiques se mêlent aux synthétiseurs, les voix se répondent entre elles, les sons de la nature, les cigales, un chien ou les perroquets de la volière voisine relèvent les couleurs de leur subtile broderie musicale.
Un lent processus de maturation
Sur la première chanson, I Fix My Gaze la voix en suspension de Emily Cross, presque un murmure, glisse sur un tapis de synthés. Puis s’entrelace le son d’une clarinette qui semble émerger du lointain pour épouser, apaisée, le souffle chanté.
Ocotillo est une plante du désert américain qui ressemble à un arbuste desséché et qui, après de fortes pluies, peut soudainement se couvrir d’une myriade de feuilles. Comme la chanson du même nom qui s’insinue et grandit sur un rythme lent et paisible. Jonathan Meiburg compare la création de la trame musicale à un jardin où l’on laisse venir tout ce qui pousse pour ensuite élaguer patiemment. Il y a un lent processus de maturation qui peut prendre des mois. Chacun d’entre nous a une forte personnalité explique-t-il mais avec Loma personne ne prend l’ascendant, nous nous faisons confiance les uns les autres et ça nous emmène dans des coins où nous n’aurions jamais été de notre propre initiative.
Comme dans du Fleetwood Mac en suspension, Ocotillo se laisse porter par le vent qui balaie les grands espaces.
L’émerveillement des choses simples
Half Silences la joue plus pop avec des guirlandes de synthés et de guitares lointaines comme des nappes de brume au crépuscule. Mélancolique, tout en retenue, les chansons distillent aussi l’émerveillement devant les choses simples.
Avec sa boucle de clarinette, ses pincements de koto et ses choeurs, Elliptical Days nous promène du côté de Agnes Obel qui aurait troqué les froideurs de Berlin pour le soleil implacable du Texas.
Thorn s’ouvre avec un extrait du Podcast de Emily, What I’m Looking At où la chanteuse raconte ce qu’elle voit dans ces moments où il ne se passe apparemment rien. Sur le bitume d’un parking, elle contemple une rose desséchée par le soleil et fixe une de ses épines. Ce qu’on voit en dehors est juste une fenêtre pour se regarder en dedans.
Un baume bienfaisant
Homing, la dernière chanson est le fruit de collaboration inattendue avec Brian Eno. Dans une interview à la radio, le producteur et musicien anglais avait déclaré passer en boucle Black Widow extraite du premier album de Loma. Du coup le groupe lui a envoyé par mail les pistes vocales d’une chanson sur lesquelles Eno a ajouté percussions et synthés pour un résultat qui clôture cet album comme un baume bienfaisant et plein de promesses.
Au début de la vidéo de ce titre enregistré en trio « quarantaine » chez eux, on voit Dan Duszynski ouvrir la fenêtre pour laisser entrer le bruit des insectes qui crissent dans la nuit.
Pendant que la chanson s’écoule paisiblement, on voit les chiens endormis à leurs pieds dans l’enchevêtrement de câbles électriques alors que la musique s’étire en un drone ambiant. Une musique magique pour des moments paisibles.
Don’t Shy Away, Loma, CD Sub Pop, 11 titres 44 minutes