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Sages comme des Sauvages
Sages Comme des Sauvages, Luxe Misère (c) Zamora

CD
Voyages inattendus de
Sages Comme des Sauvages

Gilles Bechet -

Mélodique et mélancolique, doux et enjoué, Luxe / Misère, deuxième album de Sages Comme des Sauvages, offre un voyage sonore inédit en douze chansons irrésistibles.

 

 

Sage comme des sauvages

Avec son deuxième album Luxe / Misère, Sages Comme des Sauvages, le groupe du duo Ava Carrère et Ismaël Colombani poursuit son exploration des musiques d’ici et là-bas dans une recréation qui agit comme un baume mélodique d’une grande douceur, tantôt enjouée, tantôt mélancolique. Les sujets parfois graves sont traités dans une langue décomplexée et percutante qui emprunte son inventivité et sa liberté de ton au créole. Enregistré en partie à la Réunion avec les musiciens et la voix du grand Danyel Waro, les chansons ne sonnent jamais comme un ersatz de musique du monde mais comme la bande son d’un voyage dans des contrées familières et inconnues.

 

L’album est sous-titré 12 chansons contre la brutalité du monde ?
La musique a aussi un côté médicinal. C’est comme un accompagnement ou un antidote pour se donner du courage. On a cette envie d’explorer la tristesse collective pour se ragaillardir ensemble par la musique.

 

Votre musique se caractérise par l’usage d’instruments inattendus piochés dans des cultures diverses et souvent utilisés à contre-emploi ?
Ismaël : Tous les instruments qu’on joue nous sont arrivés par hasard entre les mains. Le bouzouki, par exemple, qui est très présent dans l’album, je n’en avais jamais joué avant de rendre visite aux parents de Ava qui habitent en Grèce. On rentre dans un magasin de musique, j’essaie le bouzouki et ça me plait. Une fois rentré, j’ai joué, joué, et des bouts de chansons ont commencé à sortir. L’idée, ce n’est pas de faire de la musique grecque, ce qui n’a pas d’intérêt. Du coup, on utilise ces instruments un peu à notre sauce. C’est un truc qui se fait beaucoup dans la musique créole.

 

Et puis il y a la percussion que joue Ava
Dans le même magasin, il y avait ce tambour qui trainait. Par défi, Ava l’a acheté pour ne pas sortir sans instrument.
Ava : Ce qui tombait plutôt bien puisque cet instrument s’appelle en persan Defi ou Daf.

 

Et elle le joue d’une manière un peu particulière …
Ismaël : On essayait de marier cette percussion là, qui résonne beaucoup, avec le bouzouki et avec le cavaquinho, une petite guitare que j’ai ramené du Brésil. On a essayé de marier les deux mais ça résonnait trop, il fallait étouffer le son. On a trouvé que ça sonnait bien sur les genoux, mais ça ne tenait pas alors on a mis une ceinture pour l’accrocher.
Ava : Comme il y a des petites clochettes, on s’est dit ça pourrait être utilisé comme une batterie et donc j’ai pris une baguette chinoise qui trainait dans la cuisine.

 

La Réunion et vous, c’est toute une histoire, dites-vous
Ismaël : On adore la musique réunionnaise. C’est vraiment une musique qui nous a submergé à l’écoute. Elle est hyper vivace et elle parle poétiquement et politiquement du monde dans une forme très dépouillée, mais très forte parce que c’est percussion et voix.
Ava : Il y a un côté maquis dans le créole, parce que c’est de la francophonie, ce n’est pas du français. Les choses sont là et en même temps elles sont cachées. Elles sont visibles, mais pas tout à fait.
Ismaël : On peut dire que c’est une façon de faire qui nous a influencés. On ne cherche jamais à refaire. On prend l’influence et on voit ce que ça nous provoque. Ce qui est assez beau pour l’instant, c’est que la Réunion nous le rend bien dans le sens où notre musique à un écho à la Réunion et on s’inter-reconnait. On fait partie un peu pas de la même bande, sans avoir la même façon d’avancer.

 

Vous avez aussi adopté le créole dans certaines de vos chansons ?
Ismaël : Le créole, c’est la forge des expressions. On chante des chansons d’Alain Péters. C’était une façon pour nous d’apprendre le créole, et de le pratiquer et de rencontrer ce gars-là qui est décédé et a écrit de magnifiques chansons. Sur le dernier album, on enregistre une chanson avec Danyel Waro. C’est déjà un aboutissement pour nous. On fait deux autres titres avec ses percussionnistes. Luxe Misère qui est le titre de l’album et de la chanson, c’est un Maloya qu’on joue avec un bouzouki et qu’on chante en français. Personne n’avait fait ça avant nous.

 

Quels types de musique faisiez vous avant le groupe ?
Ismaël : J’ai eu une formation de violon classique. J’arrête l’école assez jeune et à 16 ans, je commence les cours de musique expérimentale, improvisation libre, musique bruitiste, je voulais être compositeur de musique électro-acoustique. Quand je suis arrivé à Bruxelles, j’ai fait une espèce rock très bizarre et c’est par là que j’ai rencontré Ava. Mon truc, c’était une espèce de posture artistique, pureté de l’alternatif, tournée des squats, le commerce c’est de la merde. Par contre, je ne comprenais pas pourquoi, sur la scène alternative, tout le monde chantait en anglais même si t’habite dans la banlieue de Lyon à Feyzin. J’avais fait des tentatives avec des groupes de musique hyper bizarre machine électronique, batterie, clarinette basse sur laquelle je chantais en français.
Ava : Je suis venue à la musique très tard, à 26 ans. J’ai fait les Beaux-Arts et je faisais des performances, des vidéos, des trucs très conceptuels mais un peu drôles. Maintenant, je vois l’art contemporain comme une religion à laquelle je ne crois plus. Je suis une défroquée de l’art contemporain. J’ai commencé à écrire des chansons avec l’ordinateur parce que je ne savais pas jouer d’instrument. Vite, j’ai voulu monter sur scène . Comme je n’avais pas de musiciens pour m’accompagner, j’ai découpé des faux instruments en carton. Et j’ai fait semblant de jouer sur scène de la guitare, de la contrebasse, de la basse et j’ai très vite fait plein de concerts comme ça. C’était hyper pratique. Il suffisait d’arriver dans une ville de trouver des boîtes en carton, clac clac. J’habitais à Berlin à l’époque et j’arrivais presque à payer mon loyer avec et je suis même allée à FranceInter avec ça.
Ismaël : On était tous les deux dans les marges. Et on s’est retrouvés sur l’idée des musiques du monde, les folklores surtout. En fait, on est d’abord un groupe de scène, c’est là qu’on est le plus à l’aise. C’est là que les choses se développent, que la musique se crée dans la convivialité avec le public.

 

Sages Comme des Sauvages, Luxe / Misère, CD zamora, 12 titres, 48 minutes

Concert  prévu au Botanique, mercredi 03 juin 2020 www.botanique.be