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Mitski
Mitski Be the Cowboy (C) Mitski / Dead Oceans

CD Mitski
la solitude rebelle de Mitski

Gilles Bechet -

Be The Cowboy, le nouvel album de Mitski est un précipité de solitude et de désir féminins, doux et abrasif, grinçant et joyeux, avec ce qu’il faut de maîtrise et de lâcher prise. A voir en concert au Trix, le 29 septembre

 

Douce solitude

Mitski est esseulée et déborde de désirs inassouvis. Elle le chante et ça fait du bien. C’est là toute la magie d’un album pop réussi. Cette alchimie bizarre qui transforme les sentiments, les émotions ou les petits riens de la vie en chansons, qui arrive à métaboliser la tristesse, la solitude en victoire et en promesses. Prenons Mitski, Mitski Miyawaki dans le civil, une américano-japonaise qui a vécu ballottée avec ses parents de la Turquie à la RDC et puis aux États Unis. Solitaire, elle se consacre entièrement à sa musique et à ses chansons qu’elle façonne comme des histoires douces, amères et fières.

Inspirée de Isabelle Huppert

Elle a déjà sorti quatre albums. Confidentiels au début, ils ont gagné leur cohorte de fans grâce à sa voix claire et son jeu de guitare abrasif qui ourle ses fêlures et ses émotions à fleur de peau. Puis voici Be the Cowboy, son nouvel album, une ode aux mille solitudes de la femme amoureuse reflétées par la boule à facettes d’une piste de danse. Elle a écrit ses chansons en tournée, souvent fatiguée, isolée dans cette réalité bizarre où la chambre d’hôtel succède à la scène et aux longs déplacements. L’album est court, à peine plus d’une demie heure, mais il est long de 14 chansons comme autant d’histoires brossées en quelques scènes aux couleurs riches mais jamais saturées. Pour raconter ces femmes en crise d’amour, elle s’est, dit-elle, inspirée de Isabelle Huppert dans le film La pianiste. Froide et réservée en apparence avec un volcan d’émotions qui bouillonne à l’intérieur.

Très légèrement déséquilibré

Le volcan d’émotion, on le retrouve dans Geyser, le titre qui ouvre l’album. Ça commence comme une chanson aux nappes d’orgue éthérée traversées de parasites avant que le bouchon ne saute. Au fil des titres, la musique est variée avec du piano, des synthés, des percussions, de l’orgue et parfois une guitare qui déchire, le tout dosé avec la précision d’une orfèvre. Il y a dans ces chansons douces et abrasives quelque chose d’immédiat et en même temps de très légèrement déséquilibré, comme si elle avait desserré une vis pour donner du jeu.
Les personnages qu’elle interprète oscillent entre l’abattement, l’autodestruction assumée et une certaine morgue qu’on retrouve dans sa voix qui oscille entre abandon et défi. Dans Lonesome Love, elle chante sur un rythme aux échos country, une femme qui veut revoir encore une fois celui avec qui elle a rompu. Quand elle s’imagine arriver chez lui avec ses hauts talons qui claquent sur le sol, elle n’a rien d’une victime et elle a tout d’une guerrière qui assume.

Pas de pitié, juste un baiser

La solitude peut être une perle qu’on fait rouler dans sa tête pour la regarder briller ou une douce lumière rose dans la chambre. Dans Nobody qui déroule son rythme presque disco, la solitude va jusqu’à effacer tout ce qu’elle est et lui donner envie d’ouvrir les fenêtres, juste pour entendre le bruit des gens. Elle n’est plus personne, mais elle ne veut pas de pitié, elle veut juste un beau baiser honnête, comme au cinéma. Et elle se sentira bien. L’album se conclut avec le lancinant Two Slow Dancers où un couple retourne dans le gymnase où ils ont dansé pour la première fois. Ce serait cent fois plus facile si nous étions à nouveau jeunes, mais les choses sont ce qu’elles sont et nous sommes comme deux danseurs au ralenti, les derniers sur la piste. Mitski veut être le cowboy, solitaire bien sûr, mais elle gagne tous les duels. En tirant droit au cœur.

 

Mitski, Be the Cowboy, CD Dead Oceans, 14 titres, 32 min
En concert, le samedi 29 septembre au Trix à Borgherout