Magicien de l’Oud, Tristan Driessens poursuit son voyage musical avec le Soolmaan Quintet. Dans Letters to Handenberg, il écrit d’envoûtantes mélodies nomades où se croisent toutes ses influences sans soucis de genres ou de frontières musicales.
Charme envoûtant
Enfant, Tristan Driessens a sillonné le sud de l’Europe en roulotte avec ses parents, en jouant et en écoutant de la musique. C’est en Espagne, berceau de la musique arabo-andalouse, qu’il est tombé sous le charme de l’oud et de ses délicates mélodies. Cet instrument en forme de poire, cousin du luth occidental ne l’a, depuis, plus jamais quitté. Patiemment, il en a découvert les secrets mélodiques et a enrichi sa pratique auprès des plus grands maîtres au Caire et surtout au cours de séjours répétés à Istanbul, pour devenir l’un des joueurs d’oud les plus respectés en Belgique et une des références incontestées du makam arabo-turc en Europe. Différentes formations ont jalonné son parcours musical qui s’épanouit aujourd’hui avec le Soolmaan Quintet et un premier disque Letters to Handenberg. Un disque au charme envoûtant né de la rencontre de cinq musiciens au sommet de leur art.
Caligraphies sonores
Cette musique est l’expression d’un cycle de compositions où je mêle de manière très spontanée des résonances de la musique turque avec d’autres références et influences comme le jazz modal, le folk et dans une moindre mesure la musique contemporaine.
Autour de son oud, on trouve les percussions de Robbe Kieckens, le violoncelle de Léa Besançon, le saxophone et le ney de Nathan Daems et les clarinettes et saxophone de Tom Callens. Comme un vol de mouettes au dessus du Bosphore, la musique plane et tourbillonne. Les instruments se répondent tissent de délicats entrelacs, dessinent des calligraphies sonores entre les cordes pincées et celles qui sont caressées par le glissement de l’archet et entre les percussions et le souffle velouté des saxophones et clarinettes.
Nouveaux paysages
Les lettres dont il est question dans le titre de l’album sont celles que Tristan Driessens n’arrivait pas à écrire à sa bien aimée qui était en Autriche alors que lui résidait dans une vieil hôtel de maître stambouliote. Plutôt qu’aligner les lettres et les mots, il a préféré enfiler les notes qu’il a enregistrées dans le studio où il avait ses habitudes. Ces esquisses musicales envoyées à Handenberg contenaient des mélodies suffisamment fortes pour inspirer le groupe que j’ai réuni autour de moi. Au moment de l’écriture, je ne pensais pas à des musiciens en particulier. J’ai fait appel à des gens avec qui j’avais déjà joué dans d’autres formations et on a laissé grandir la musique. Les 14 titres nés de cette rencontre dépassent les frontières de la musique traditionnelle pour certes évoquer la musique orientale par la sonorité des instruments mais aussi pour emprunter aux répertoires du jazz et du folk et explorer de nouveaux paysages.
Hommage au silence
Souvent lentes et chaloupées suivant des lignes mélodiques sinueuses posées sur des structures rythmiques complexes, les compositions font aussi la part belle au silence. C’est une musique très contemplative, très méditative. Un hommage au silence. Certaines personnes me disent qu’elles sont très touchées par l’aspect mystique de la musique qu’on peut indirectement lier au soufisme. Même si je peux aussi m’amuser à jouer des musiques festives, avec Soolmaan, je me laisse aller à une introspection sur le temps et sur l’espace.
Après ce premier album très réussi, le quintet pense déjà à lui donner une suite.
Tout le monde ressent un énorme potentiel dans ce projet. Après chaque concert, on se dit qu’on a envie de grandir ensemble.
Des oeuvres classiques
Menant plusieurs projets en parallèle, Tristan Driessens tourne aussi avec son Ensemble Lâmekân, un sextuor qui interprète de manière assez rigoureuse la musique classique ottomane, le makam turc joué du 15e siècle au XXe siècle. A côté de cela, il y a aussi le Seyir Trio qui associe l’oud de Tristan Driessens au derbouka de Simon Leleu et au violon de Ruben Tenenbaum, tous trois spécialistes de la musique turque. On est ici dans de la musique de répertoire. Dans Seyir Music, un premier album, le trio interprète des œuvres classiques et même populaire issues de la tradition turque, azéri et grecque. C’est une musique qu’on maîtrise très bien et qu’on a beaucoup de plaisir à jouer sans chercher l’originalité. Dans le deuxième album, nous allons sans doute aussi glisser des compositions à nous.
Soolmaan Quintet, Letters to Handenberg, CD Home records, 14 titres, 68 minutes
Seyir Trio, CD Seyir Music, 17 titres, 65 minutes
En concert
Dimanche 9 septembre, Soolmaan Quartet, Jazzzolder, Mechelen
Samedi 15 septembre, Refugees for Refugees, OdeGand, Gand