The Age of Immunology de Vanishing Twin est une petite merveille aux effluves jazzy, exotica, avec des touches de funk de krautrock. La bande son d’un film de science-fiction rêvé des années 60.
Spectacle cosmique
C’est un lever des 5 soleils sur le sol aride de planète KRK 14563-9. Abasourdi par le spectacle cosmique qui s’offre à eux, l’équipage de garde retarde tant qu’ils le peuvent le moment de réveiller le reste du vaisseau. Un sentiment d’émerveillement et de confiance compense la perte de repères qui les gagne dans cet endroit inconnu, loin de toutes les cartes stellaires existantes.
Euphorie
Le système sonique diffuse à bas volume une musique puisée dans les archives du vaisseau, les chansons d’une formation terrienne intitulée Vanishing Twin. Les membres de l’équipage arrivent au compte goutte. Heureux de se retrouver, ils se permettent de chaleureuses accolades. Avec la chanson Magician’s Succes, l’euphorie les gagne. Ils se mettent à danser et même les six robots du personnel sont de la partie. Personne ne les aurait cru si souples et sensibles à la musique.
Le visage de l’autre
Avec Backstroke, la lumière cosmique qui vient s’écraser sur les hublots produit un ballet de rayons diffractés de couleurs arc-en ciel. L’enseigne de vaisseau Sigrid se lance dans un étrange ballet. Ses coéquipiers craignent un instant qu’elle ait été contaminée par un virus inconnu pendant la traversée, mais ce ne sont que les mouvements accélérés d’une séance de gymnastique nordique, bien nécessaire après 400 années lumière d’hibernation. Ils se doivent aussi d’être indulgents puisque avant son dur entrainement à l’académie de l’espace, la jeune femme avait fait les beaux jours d’un cirque itinérant.
Rêve collectif
Les premiers pas sur la planète ont de quoi surprendre. Elle est couverte d’une végétation luxuriante baignée d’une douce lumière orange. Une rivière s’écoule entre les arbres trapus dans un doux clapotis. Mais en dehors de la flore, il n’y a aucune trace d’une présence vivante, ramenant à fleur d’épiderme, la question lancinante de l’exploration spatiale. Quel sera le visage de l’autre ? La réponse à cette question se fera attendre car ils n’ont pas encore quitté le vaisseau. Pour leur dernière nuit à bord, ils avaient enclenché le programme de rêve collectif. Dehors, il fait nuit noire. Personne ne sait de quoi le lendemain sera fait. En attendant on écoute The Age of Immunology en boucle.
Équipage cosmopolite
Le groupe Vanishing Twin s’est formé à Londres en 2015 autour de la multi-instrumentiste et chanteuse belge Cathy Lucas. L’équipage est franchement cosmopolite puisqu’on y trouve le bassiste japonais Susumu Mukai, la batteuse italienne Valentina Magaletti, le joueur de guitare et de synthés américain Phil MFU et enfin le percussionniste, flûtiste et cinéaste Elliott Arndt venu de Paris.
Le nom du groupe fait référence au syndrome du jumeau disparu vécu par Cathy Lucas. A 12 ans, elle apprend qu’elles étaient deux dans le giron de sa mère. Et qu’elle est la seule à avoir survécu après avoir absorbé l’embryon de son double disparu. Au-delà de cette étrange découverte, elle doit désormais se faire à l’idée qu’elle porte en elle le fantôme de ce jumeau absent qui a dû contribuer à forger sa personnalité.
Semblables humains
Le titre de l’album s’inspire d’un livre de l’anthropologue David Napier qui s’intéresse aux mécanismes de rejet de la différence. Derrière ses sonorités rétro-futuristes aux chansons polyglottes, cet album est donc une invitation à regarder autour de nous, vers nos semblables humains, plutôt que vers les inaccessibles étoiles. Et quand le jour de l’exploration spatiale sera venue, espère Cathy Lucas ce sera pour rejoindre une Fédération Unie des Planètes.
Vanishing Twin, The Age of Immunology, CD Fire records, 10 titres, 46 minutes
En concert 21 novembre 2019, Madame Moustache, Bruxelles