Avec Titanic Rising, nouvel album de Weyes Blood, la californienne Natalie Mering enrobe sa voix de sirène dans d’élégants arrangements orchestraux qui donnent envie de sourire dans l’apocalypse.
Aquatique
La photo de couverture de Titanic Rising montre Natalie Mering dans une chambre d’ado complètement sous eau. Ses cheveux tordus en spirale vers la surface répètent les mouvements ondulant des tentures. Elle fixe l’objectif et ses pieds touchent le sol comme si elle venait de s’enfoncer et se prépare à remonter. L’élément aquatique imprègne tout cet album, depuis son titre jusqu’au clip de la chanson Movies qui associe l’imaginaire cinématographique et l’inconscient à un bain amniotique où flottent, les idées, les rêves et les illusions.
La californienne a commencé le parcours musical de son projet Weyes Blood avec un album où sa voix limpide se mêlait à un folk gothique à peine perturbé de quelques dérapages électroniques. Dans ce nouvel album, le virage pop amorcé dans le précédent Front Row Seat to Earth s’affirme avec force.
Espace imaginaire
Titanic Rising est un album pop parfait. Une suite de chansons aux thèmes, parfois graves, parfois nostalgiques ou mélancoliques, enrobées dans des arrangements élégants et sophistiqués qui multiplient les couches d’instruments et d’harmonies mais qui ont le bon goût de s’arrêter avant de devenir écœurants.
Avec au centre de cet écrin, sa voix claire presque irréelle, mais jamais froide et « technique » car il y a toujours un voile de lâcher prise. Le tout dégage un léger parfum seventies intemporel. On pense aux Carpenters, aux chanteuses à piano comme Carole King et même à Abba et en même temps la musique reste complètement d’aujourd’hui.
A Lot’s Gonna Change, le premier titre qui s’insinue doucement sur des cordes somptueuses avant de laisser entrer le piano et la voix est un retour nostalgique sur les souvenirs d’enfance. Une époque où la chambre est comme un refuge et un espace imaginaire comme une fenêtre ouverte vers tous les ailleurs. C’est là que j’ai développé ma cosmologie personnelle, toutes les choses en lesquelles je crois, et ce que je voulais faire de ma vie. Avec aussi, un côté bizarre et illusoire parce que toutes ces choses que nous adorions dépendaient des médias et des films, parce que nous n’avons pas vraiment d’autres croyances. C’est ce que je voulais montrer dans cette image. explique-t-elle dans une interview à Stereogum.
Sourire dans l’apocalypse
Movies s’enroule sur une trille de synthés où s’accroche la voix apaisante de Natalie Mering qui chante qu’à l’écran, la vie est toujours plus brillante, plus grande, plus belle.
Composée pour faire plaisir à son père, Everyday, est la chanson la plus guillerette de l’album avec ses cuivres tombés d’un session de Yellow Submarine. La vidéo, pastiche des films d’horreur des années 70, nous montre une bande d’amis rassemblés dans un chalet pour faire la fête et se bécoter, disparaissant un à un sous la lame d’un mystérieux tueur. L’étincelle créative de l’album a démarré sur un sentiment de désastre écologique (Wild Time), de perte amoureuse (Andromeda, Everyday) et de perte de sens (Something to Believe, Picture Me Better) sans pour autant en faire une collection de lamentations stériles. Weyes Blood ouvre les fenêtres (tant pis si l’eau s’engouffre à flots bouillonnants) et croit au pouvoir transcendant de la musique. Elle veut sourire dans l’apocalypse et partager le sentiment réconfortant de goûter à la beauté et à la vie.
CD Titanic Rising, Weyes Blood, CD Sub Pop, 10 titres, 43 minutes
En concert, aux Nuits Botanique, le 04 mai