Du textile, accessoire plus que familier du quotidien, Éric Chevalier et Anne Masson ont fait un objet de design, un terrain de jeux, d’expériences et d’explorations de matières et de couleurs qui tissent le fil d’une réjouissante exposition au CID du Grand-Hornu.
Depuis une dizaine d’années, Chevalier Masson innovent comme s’ils défrichaient un domaine laissé à disposition par d’autres designers. Elle a travaillé avec Éric Beauduin au sortir de ses études et elle a tricoté des chaussettes. Lui a mis son esprit touche-à-tout au service de Christian Lacroix Haute Couture pour qui il a pratiqué le détissage de brocarts, de soieries et de denims. Ensemble, ils se sont retrouvés dans cette création artisanale et intuitive de textiles. Le premier mot qui vient à l’esprit devant leur travail, c’est diversité. Dans les matières, les couleurs, les formes et les fonctions de leurs pièces.
Au fil des années, ils se sont aussi ouverts à la collaboration avec d’autres artistes, la styliste Diane Steverlynck avec qui ils ont créé des tissus, le chorégraphe Thomas Hauert pour qui ils ont dessiné des costumes ou les bureaux d’architecture 51N4E ou Baukunst avec qui ils ont créé des pièces sur mesure. Des co-créations plus que de la sous-traitance. On met notre travail au service d’un univers. Et ce sont à chaque fois des expériences qui réinterrogent notre rôle et nos limites au sein d’une équipe.
Il y a chez Chevalier Masson un côté ludique qui, lorsqu’il s’associe à cette capacité de réinventer et de réutiliser les matériaux, produit les irrésistibles chaises pelotes. Des chaises bancales qu’Éric Chevalier récupère un jour sur la rue pour les métamorphoser en grosses bobines de bois à quatre pattes autour desquelles on enroule un fil – de récupération lui aussi – parfois monochrome, parfois chiné. Et voilà que les chaises bombent l’assise, descendent la jupe ou parfois même s’accouplent. Pour devenir d’autres chaises. Uniques.
Si Anne Masson confesse n’avoir aucun idéologie de la matière, laine, coton ou synthétique, tous les choix sont permis. On va vers les matériaux les plus adéquats en fonction de l’usage. On ne va pas produire des tentures en fibres naturelles pour l’extérieur. Elle reconnaît aisément une tendresse particulière pour la laine. C’est une matière qui a accompagné toute l’histoire de l’humanité et qui a des propriétés fantastiques encore largement sous-exploitées.
Même s’ils proposent de petites séries d’écharpes, de mitaines et de chaussons, l’essentiel est fait à la main avec peu de sous-traitance. C’est difficile de trouver des partenaires industriels sur des projets ponctuels, souligne Éric Chevalier. Et comme on fait des choses tellement différentes, on ne rentre pas aisément dans une case magasin, complète Anne Masson.
Tisser, tricoter, c’est dessiner avec du fil et créer du rythme sur la surface. Pour créer leurs notes de couleurs, Chevalier Masson aiment travailler directement sur le fil. En préservant le cœur d’une pelote de la teinture ou en nouant bout à bout des brins de laine de différentes couleurs, restes de productions précédentes, ils encodent leur motif à même le fil. Le résultat attendu produit aussi sa part d’impondérables. Une vibration excessivement humaine.
Chevalier MassonInfos pratiques
Les nombreuses références aux autres cultures, de la Turquie au Japon, rappellent que le travail du textile est sans doute une des activités les mieux partagées de l’humanité. Ça peut aussi être un médium incroyablement moderne. Le tissage et le tricot sont encore trop souvent réduits à des poncifs caricaturaux, féminin ou domestique, alors que ce médium peut être investi de manières très différentes. Il y a assurément encore beaucoup de choses à faire.