La dream team qui a conçu Kiss & Cry, un des spectacles les plus improbables et les plus magiques de ces dernières années, revient avec Cold Blood, un autre spectacle de nano-danse aux macro effets poétiques. Ce n'est pas une suite ou un prequel. C'est une nouvelle porte qui s’ouvre sur un univers parallèle, un monde de maquettes effleurées du bout des doigts, un monde capturé par l’objectif de plusieurs caméras digitales pour restituer sur grand écran tout ce que l’œil ne voit pas.
Un jour, il y a très longtemps, Jaco Van Dormael et Michèle Anne De Mey sont arrivés en disant si on fait un autre spectacle ce serait bien de l’appeler Cold Blood ! C’est tout, on est parti de ça. raconte Thomas Gunzig. Comment rebondir après un succès aussi réjouissant qu’inattendu ? 100.000 spectateurs, 8 langues, 250 représentations, le premier essai du collectif a fait mouche, il a touché les cœurs, il a émerveillé. Que fait-on après ça? La seule règle qu’on s’était fixée raconte Michèle Anne c’est qu’on voulait continuer à improviser, à explorer, à expérimenter.
Comme des enfants qui racontent une histoire avec tout ce qu’ils ont sur la main, ils ont commencé à travailler imaginer sans savoir à l’avance ce qu’ils allaient raconter. On a été tous complémentaires les uns des autres. Le texte s’est construit pour exister avec les images qu’on avait, la chorégraphie s’est construite pour fonctionner avec le texte. C’est vraiment quelque chose qui s’est construit comme un organisme vivant. On a bien eu un moment de terreur où on a eu envie de s’enfuir, mais les choses se sont mises en place, petit bout par petit bout, reprend Thomas Gunzig.
Travailler sur un deuxième spectacle, pour le collectif Kiss & Cry, ce n’était que du plaisir en plus. La longue tournée les a rapprochés et a fait naître des désirs, des envies, des pistes à peine ébauchées, à explorer plus en avant. Les évolutions techniques des caméras ont permis d’explorer d’autres ambiances lumineuses. Alors que Kiss & Cry jouait sur l’unité d’un plateau monde, dans Cold Blood les 35 décors différents entrent et sortent du plateau à mesure que défilent les séquences dans une dynamique qui rend le spectacle plus vivant que jamais.
Alors que dans Kiss & Cry, Gisèle pensait à tous ses disparus, des gens croisés un jour ou d’autres avec qui elle a partagé un bout de chemin, elle songeait aussi à des amours oubliés ou peut-être rêvés, dans une tonalité plus sombre. Dans Cold Blood, la machine à souvenirs se remet à tourner mais cette fois, le narrateur, prêt à s’éteindre comme un projecteur en bout de course fouille sa mémoire pour en extraire une dernière image. Sombre, ce Cold Blood ? Oui c’était notre état d’esprit mais cela dit dans l’obscurité, il y a des choses extrêmement joyeuses et lumineuses qui apparaissent. Mais s’il n’y avait pas de fin, il n’y aurait pas de début, comme disait ma grand-mère. assure Thomas Gunzig.
Des images lumineuses et mélancoliques, Cold Blood en regorge. Dans une éblouissante séquence de musical, des doigts chaussés de dés à coudre font des claquettes sur une scène de stuc et de paillettes. Un peu plus loin, ce sont des mains dans un petit bassin qui se synchronisent, virevoltent, forment des rosaces comme dans un film de Busby Berkeley. La caméra change plusieurs fois d’échelle en passant du couple dans le drive-in à l’écran scintillant comme pour se calquer sur les mouvements fluctuants de la mémoire, entre un baiser dans le cou qui sent le vétiver et l’écran où Fred Astaire fait décoller Ginger Rogers.