Il n’a pas de cheval, de Stetson, ni de bottes. Cowboy Henk ne fréquente pas les saloons, ni les rodéos. Reconnaissable à son improbable banane capillaire et à sa carrure de culturiste, le personnage de Kamagurka et Herr Seele est vraiment un héros de BD à part. Serviable, naïf, vulgaire quand il le faut, il attend le docteur dans une armoire, coiffe le cheveu dans une assiette de soupe ou s’endort dans un lit au fond de la mer.
Comme les vrais héros, Cowboy Henk n’a pas d’âge. Publié presque sans interruption dans le magazine Humo depuis 82, il est le produit de la période punk, un personnage alternatif devenu une icône en Flandre. C’est un héros paysan, il est extrêmement simple. Il est rose et en bonne santé. Je crois qu’il plait aux gens parce qu’il est très optimiste. C’est un enfant dans le corps d’un adulte. On peut dire qu’il est un peu autiste, raconte Herr Seele.
Herr Seele dessine son personnage depuis trente ans, sur des planches aux 4 strips immuables. Depuis 10 ans, j’emploie toujours le même pinceau qui est devenu plus souple. Mon trait est plus fin et la musculature de Cowboy Henk est presque parfaite. Mais il y a encore du travail. J’ai besoin d’une musculature à l’ancienne, plus baroque. J’aimerais travailler d’après nature, ce que je ne fais pas. Je ne travaille jamais d’après photo, je travaille de mémoire.
Cowboy Henk est l’enfant de deux pères. Seul, je suis incapable d’écrire des blagues. J’ai besoin de Kama et de nos séances au café du Grote Post d’Ostende où l’on travaille sur les scénarios. On est très liés par le même goût pour l’humour et pour l’absurde. C’est le meilleur scénariste du monde. Rembrandt travaillait avec la Bible, moi j’ai Kama, c’est du même niveau. Moi, je suis un enthousiaste, lui c’est un poète qui vient mettre l’huile sur le feu.
Cowboy Henk est un rejeton du surréalisme, de l’art brut et des graffitis sur les portes des toilettes. Il est cash et absurde. Il est irréductible et complètement autre, vaguement effrayant même. Mais c’est un bouffon. Une société équilibrée a besoin d’un bouffon. Et Cowboy Henk est un bouffon qui a une fonction extrêmement sexuelle. Comme un nain à hauteur du sexe du roi. On veut surtout que les gens rient. Quand on n’y arrive pas, en dernier recours, on descend sous la ceinture .
Quand il ne dessine pas Cowboy Henk, Herr Seele est devant son chevalet dans l’odeur de la térébenthine. Il a grandi dans une maison où sa mère, une élève de Paulus, avait son atelier de peinture. Après vingt ans de BD, il a maintenant envie de se faire plaisir. Entre ses rêves de Rubens, des primitifs flamands, de Hergé et de Superman, il crée des toiles à contre-courant. Il a beau peindre des natures mortes ou des paysages comme les dunes fossiles de Bray-Dunes peintes à la manière de Corot dans « Les Préliminaires », son héros fétiche revient comme le retour du refoulé.
Le temps n’a pas de prise sur Cowboy Henk. Le livre L’Art Actuel rassemble des planches publiées entre 1991 et 2015, sans que l’on perçoive la moindre différence. C’est une BD hors du temps et en même temps elle parle de notre époque. Si l’on veut savoir comment était notre société à la fin du 20è siècle ou au début du 21e, il suffit de revoir Cowboy Henk. Avec nos blagues, on apporte de l’harmonie et le rire. Ce qui est excellent pour la santé. Cowboy Henk est le meilleur des médicaments.