A peine la poussière de son titanesque projet Remember Souvenir retombée, Denis Meyers poursuit son travail artistique qu’il expose à la Macadam Gallery. Comme pour évacuer l’ampleur de du travail achevé, il se laisse aller à une écriture automatique sur toile et sur des éléments ramenés des anciens bâtiments Solvay. Des mots, des traces pour se mêler à d’autres traces.
Plus de 30.000 m2, 18 mois de travail acharné dans un bâtiment laissé à l’abandon. Métamorphosés par le travail de l’artiste les anciens bureaux, couloirs, salles de réunion, escaliers et sous-sols se sont couverts de dessins, de mots et de phrases que Denis Meyers a extrait de ses carnets. Dans cette œuvre éphémère vouée à une inéluctable démolition, il a conjuré l’oubli, magnifié des visages rencontrés au hasard dans la rue et il a déroulé des mots hors de leurs phrases pour les jeter sur les murs et les faire résonner comme des mantras sur les parois de ce gigantesque crane de béton.
Après les murs la toile. Les mots sont toujours là, ils dérivent fugacement à l’esprit et sortent aussitôt en un jet de peinture sous pression. Du noir pour couvrir la toile, créer un bruit de fond, le blanc se superpose et on laisse couler. La peinture devient geste. C’est le bras qui écrit et c’est l’écran qui se brouille. Grandir, oublier, minimum, tromper. Il y a tellement de mots. Denis Meyers a choisi ceux du recommencement, mais pas d’une toile blanche. Rebirth.
Une de mes plus grosses influences, c’est la ligne claire belge ou française. Pour moi la BD est un art quasiment aussi fort ou aussi intéressant que la peinture du XVIIeme, le pop art ou les arts de la scène. Ce sont des images importantes à mes yeux, elles m’ont beaucoup influencé quand j’ai commencé à dessiner, et continuent à m’influencer maintenant. Pour moi, il n’y a pas de hiérarchie entre les arts.
A force d’écrire sur les murs, j’ai un rapport complètement différent avec la langue, L’impact des mots est très très fort, peut-être plus que le dessin. Je vais, par exemple, écrire le mot lumière qui me fait penser à quelque chose, quelqu’un d’autre le lira en pensant à tout à fait autre chose en fonction de son parcours, en fonction de ses expériences, et de sa connaissance de la langue. Le mot a cette capacité d’évocation bien plus forte sous certains aspects que l’image.
Je travaille aussi beaucoup sur l’apparition, la disparition, l’idée du cycle de ce que j’écris et je dessine, Quelque chose que j’ai dessiné un matin peut disparaître l’après-midi, réapparaître le lendemain par couches successives, par superposition. J’ai beaucoup travaillé dans une typo qui était très lisible. Maintenant il y a des moments où la typo disparait complètement. On sent un travail, une gestuelle liée à la typographie, à la lettre sans que ce soit toujours lisible.
Par paresse, on pourrait être tenté de rattacher Denis Meyers au street art ça le saoule un peu. Le projet Solvay n’est pas du street art, même s’il s’inscrit dans le tissu urbain. Créé en solitaire à l’abri des regards Remember Souvenir, tient de la la performance, de la fresque ou de l’installation. Les colonnes qu’il présente à la Macadam Gallery en sont la trace. Volumes architecturaux et totémiques, elles s’habillent d’une écriture qui danse au rythme de la ville.
InfosPratiques
Dans la cour de l’ancienne caserne de pompiers, la presque totalité des murs est couverte de panneaux couverts de mots, parfois glissés par des passants ou des habitants du quartier. Des mots qui se supportent, s’embrassent, se contredisent dans leurs typos et graphismes multiples. A Solvay, ça a été majoritairement des verbes à l’infinitif et des textes qui venaient de mes carnets. Ici c’est vraiment mon ressenti par rapport au quartier et à la société bruxelloise de manière un peu plus globale. A l’issue de l’exposition les panneaux seront vendus aux enchères au profit de la Fondation Laly, active dans la prévention des accidents domestiques, le financement de projets liés à la recherche sur le cerveau, la sensibilisation aux dons d’organes et l’accompagnement dans le deuil.