Chaque vendredi, Anouk Van Gestel repère le meilleur des sorties littéraires, relie les genres, réveille les classiques oubliés, partage ses trouvailles insolites et ses rencontres d’auteurs, d’ici ou d’ailleurs.
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Vous serez ébranlé.es en lisant Réparer les femmes
Il y a des années, le jeune Denis Mukwege décide d’ouvrir une petite maternité au Kivu. Pour aider les femmes qui, souvent, devaient accoucher dans les champs ou dans des conditions difficiles et ainsi contribuer à lutter contre la mort infantile. Un matin, une femme dans un état lamentable a débarqué. Elle s’était fait violer et son appareil génital avait été détruit par une bande armée. Le gynécologue soigne la jeune femme en pensant à un acte isolé. Ce n’était pas le cas, au contraire. Denis Mukwege, avec l’aide du professeur Cadière ont pu soigner et réparer plus de 40 000 patientes en 20 ans. Et leur combat continue, parce que aujourd’hui, ils voient arriver à l’hôpital de Panzi, les enfants et … petits-enfants de ces femmes.
L’extrait
Mais la machine pulse – la victime est toujours vivante. Les trois chirurgiens y passeront des heures, mais ils accompliront un miracle : reconstruire son corps ou, plutôt refaire ce qui a été défait. Quand ils auront achevé leur travail, aucune trace ne restera de la sinistre séance de torture, si ce ne sont quelques cicatrices sur le ventre dues aux instruments de chirurgie. Avec le temps, même ces traces s’effaceront. La victime aura bénéficié d’une nouvelle chance de vie. Et ce n’est pas tout : autour de la salle d’opération s’étend un hôpital complet, un lieu d’accueil dédié aux martyres. On les entoure, on leur apporte un soutien psychologique qualifié, on leur donne les outils pour se réintégrer dans un monde qui les rejette, en leur apprenant un métier et en prenant soin de leurs enfants. A la fin, toute trace de crime sera gommée – sauf le souvenir.
Entre les lignes
Il y a quelques années, j’ai eu la possibilité de visiter l’hôpital de Panzi, de rencontrer le docteur Mukwege et d’écouter les horreurs vécues par les femmes violées. Leur traumatisme et leur incroyable force de résilience. Depuis, le docteur Mukwege a, en 2018, reçu le Prix Nobel de la Paix et son action est mieux connue et soutenue. Cet homme extraordinaire se bat contre la barbarie et le fait au péril de sa vie et de celle de sa famille. Le professeur Cadière lui prête mains forte dans la mesure de ses disponibilités. Ensemble, ils ont écrit ce livre difficile mais indispensable pour lutter contre la barbarie : Ce ne sont pas seulement les auteurs de violences qui sont responsables de leurs crimes, mais aussi ceux qui choisissent de détourner le regard.
Réparer les femmes, Denis Mukwxge & Guy-Bernard Cadière, Harper Collins Poche, 6,90 €.