Chaque semaine, Anouk Van Gestel repère le meilleur des sorties littéraires, relie les genres, réveille les classiques oubliés, partage ses trouvailles insolites et ses rencontres d’auteurs, d’ici ou d’ailleurs.
Vous avez aimé
La gifle, Christos Tsiolkas
Vous cogiterez avec Des excuses pour les chiens
Lorraine est une jeune maman qui vit dans un quartier où tout le monde se connaît. On croit se connaître. On échange devant la grille d’école, on se rend service, et on maintient un climat où le vivre ensemble semble serein. Le joli vernis de surface ne tarde pas à se lézarder le jour où, – lors d’une fête à l’école primaire -, un adulte moleste le fils de Lorraine. Sans raison apparente. L’homme a-t-il trop bu ? N’a-t-il pas appris à se contrôler ? Un mauvais jour ? Pour Lorraine, aucune excuse n’est valable, et elle compte bien en découdre.
L’extrait
Je ne doute pas que Sylvain ait voté Macron : lui fait partie des premiers de cordée. Mais il n’a pas oublié les codes de son milieu d’origine. Son charisme y gagne en proximité ce qu’il perd en hauteur : il sait se mettre au niveau de l’autre. Son ton gouailleur laisse entendre qu’il ne place pas le mien bien haut, mais je n’y vois pas d’offense : nous nous connaissons très peu, et mon intérieur tout en simplicité prête peut-être à confusion. Je regarde ma cuisine avec ses yeux de frontalier plein aux as. Ici pas de meubles de prix et de chaises design, pas de plan de travail en béton ciré, pas de chrome scintillants, pas de spots halogènes aux lumières caressantes : un bon vieux lustre, une table massive achetée d’occasion, des chaises dépareillées, une plaque vitrocéram ternie, des chaussures en vrac au pied d’un mur dont la peinture s’écaille. C’est mon chez moi, un chez moi qui me ressemble,…
Entre les lignes
Un premier roman incisif qui dissèque les relations entre les habitants d’une petite ville. Un événement qui semble bénin va prendre des proportions inattendues. C’est certain, vous reconnaîtrez des personnages de votre entourage, des situations vécues, des dialogues au mot près,… Ils font écho à notre vie de classe moyenne. Nous connaissons tous un Sylvain, nous partageons les questions de Lorraine : faut-il réagir si son enfant se fait molester , ou ne rien faire ? Ce sentiment d’intimité avec l’autrice fait de ce livre un petit bijou de finesse et nous pousse à la réflexion sur l’éducation des enfants et le métier de parents.
Des excuses pour les chiens, Marion Bello, Belfond éditions, 19 €