Chaque semaine, Anouk Van Gestel repère le meilleur des sorties littéraires, relie les genres, réveille les classiques oubliés, partage ses trouvailles insolites et ses rencontres d’auteurs, d’ici ou d’ailleurs.
Vous avez aimé
Le monde selon Garp, John Irving
Vous allez délirer dans le monde selon La Conjuration des imbéciles
Ignatius Reilly est un anti-héros. Obèse, asocial, vivant à contre-courant. Il partage un taudis avec sa maman, entre disputes et portes qui claquent. Hypocondriaque, Il souffre d’un anneau pylorique capricieux qui se bloque à la moindre contrariété. Ce qui n’arrange pas sa propension à être odieux. Mais Ignatius est aussi brillant. Il contemple le monde autour de lui avec un certain dédain et gribouille rageusement son quotidien dans des carnets. Réflexions désabusées, avis sur son époque qu’il déteste, mépris de ses contemporains,… ou l’anti rêve-américain.
L’extrait
– Ca sent terriblement mauvais ici.
– Bah, à quoi t’attends-tu donc ? Confiné, le corps humain produit certaines odeurs que nous avons tendance à oublier dans cet âge de désodorisants et autres perversions. De fait, je trouve l’atmosphère de cette chambre plutôt réconfortante. Schiller avait besoin pour écrire de l’odeur des pommes qu’il mettait à pourrir dans son bureau. Moi aussi, j’ai mes besoins. Tu te souviendras peut-être que Mark Twain préférait être au lit, dans la position allongée, tandis qu’il composait ses tentatives datées et ennuyeuses que les universitaires d’aujourd’hui affectent de trouver importantes. La vénération de Mark Twain est l’une des racines de la stagnation présente dans la vie intellectuelle.
Entre les lignes
La Conjuration des imbéciles fait partie des 5 livres que j’emmènerais sur une île déserte. Une tragicomédie, – devenue culte -, qui se lit et se relit chaque fois avec de nouvelles émotions. L’histoire personnelle de l’auteur ajoute une dimension supplémentaire à ce roman picaresque. Refusé par plusieurs éditeurs, John Kennedy Toole se suicide à l’âge de 32 ans désespéré par l’impression d’être un écrivain raté. Après sa mort, sa mère n’a eu de cesse de trouver un éditeur. Finalement, un professeur d’université accepte de lire le manuscrit. Persuadé de tenir un « gribouillis infâme » entre les mains, il s’aperçoit rapidement qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre. John Kennedy Toole reçoit, en 1981 et à titre posthume, le prix Pulitzer, douze ans après sa mort tragique. Les éditions 10/18 le remettent à l’honneur et c’est bonheur !
La conjuration des Imbéciles, John Kennedy Toole, 10/18 édition, 9,60 €