Chaque semaine, Anouk Van Gestel repère le meilleur des sorties littéraires, relie les genres, réveille les classiques oubliés, partage ses trouvailles insolites et ses rencontres d’auteurs, d’ici ou d’ailleurs.
Vous avez aimé
Homme noir sur fond blanc, Xavier Deutsch
Vous vous laisserez embarquer par Les exilés
Ibrahim a quinze ans et vient de Guinée. Un magnifique pays mais la vie y est tellement dure. Comme des milliers de jeunes africains, il décide de prendre la route de l’exil. Seul. Sans savoir où ses pas le mèneront. Sans personne à retrouver. L’inconnu et ses dangers droit devant. L’espoir d’une vie meilleure comme unique boussole. Bien sûr, il va traverser des moments d’une violence inouïe, croiser des personnes hostiles et vivre dans la peur.
Isabelle, enseignante française, quitte tout du jour au lendemain : mari, maison, métier. Pour elle commence une autre forme d’exil. De sa Normandie, elle débarque à Nice et va se loger dans un hôtel social. Le même qu’Ibrahim. Ils se rencontrent, une amitié naît, la confiance s’installe et l’entraide va les aider à remonter la pente du désespoir.
L’extrait
Chez moi, en Guinée-Conakry, quand tout allait bien pour nous, je voulais devenir riziculteur, comme mon père. Mon village, les rizières dans la plaine, la forêt à côté, c’était bien. Je n’étais jamais allé plus loin que Boké, la grande ville de ma région natale. Contrairement à d’autres garçons de mon village, comme Issa et Mamadou, je ne rêvais pas du grand voyage. Eux, ils voulaient quitter la dureté de notre existence, tenter l’aventure pour être footballeur ou chanteur de rap en Angleterre ou en Allemagne. Moi, je n’étais pas comme ça. Non, moi j’étais discret et solitaire. J’étais rêveur aussi, mais ce temps-là est fini. Impossible de rêvasser quand tu es sur la route...
Entre les lignes
Un roman engagé et sensible qui frappe fort. Le chemin de l’exil, si douloureux et en même temps plein d’espoir. La migration, l’accueil des réfugiés et la solidarité n’ont jamais été à ce point au centre de nos préoccupations. Syriens, Soudanais, Erythréens et, aujourd’hui, les Ukrainiens. Comment faire quand on ne sait rien de l’autre, tendre une main, oui et ensuite ? Ce roman fait écho à ma propre histoire d’hébergeuse poursuivie par la justice pour trafic d’êtres humains. Il me touche d’autant plus que l’auteure a utilisé les mots justes pour exprimer les blessures de ces jeunes en errance volontaire. Je conseille ce titre à ceux qui ont envie de comprendre, à ceux qui souhaitent inciter la discussion sur l’immigration et la déshumanisation de certains Etats censés leur offrir une protection. Il est grand temps de se débarrasser de nos œillères et de réfléchir à une manière structurelle d’accueillir ceux qui quittent tout pour échapper à la mort, la famine, le désespoir.
Les exilés, Maïa Kanaan-Macaux, Julliard éditions, 19 €