Chaque semaine, Anouk Van Gestel repère le meilleur des sorties littéraires, relie les genres, réveille les classiques oubliés, partage ses trouvailles insolites et ses rencontres d’auteurs, d’ici ou d’ailleurs.
Vous avez aimé
Auschwitz de Pascal Croci
Vous serez surpris par Auschwitz, ville tranquille
Papillon angélique aborde le thème de la transformation des êtres; Une enquête policière raconte la demande implorante d’une famille à l’auteur de retracer les derniers jours de l’un des leurs; La belle endormie dans le frigo dépeint l’acceptation d’une personne à devenir un objet, une proie sexuelle; … Dix nouvelles et trois poèmes rassemblés pour narrer Auschwitz, encore et toujours.
L’extrait
Je ne sais pas si vous avez lu l’histoire de ces rats, en Amérique, dont les journaux ont parlé : on avait branché un stimulus électrique dans les centres cérébraux du plaisir, et eux apprenaient à les exciter, et insistaient jusqu’à en mourir. Vous pouvez me croire, il s’agissait de versamines, c’est un effet qu’on obtient avec une facilité dérisoire, et à peu de frais. En effet, je ne vous l’avais peut-être pas encore dit, ce sont des substances peu coûteuses : pas plus de quelques shillings le grammer, et un gramme suffit pour perdre un homme.
Entre les lignes
La nuance entre raconter et narrer se trouve dans le style. Narrer c’est raconter avec talent. Ce que fait Primo Levi depuis sa sortie des camps de concentration. Si c’est un homme et La Trêve font partie des livres sans concessions qu’il faut avoir lus. Des récits glaçants pour tenter de comprendre les ressorts de la barbarie nazie. Dans ce recueil de nouvelles, qui pourrait décontenancer le lecteur, la narration est sobre, allégorique. Pour expliquer, – aussi à ceux qui voudraient oublier, – l’horreur d’Auschwitz et de l’univers concentrationnaire. Ces nouvelles montrent toute l’étendue du talent d’écrivain de Primo Levi. Parler d’Auschwitz, encore et toujours. Une nécessité.
Auschwitz, ville tranquille, Primo Levi, Albin Michel édition, 19 €