Trois jeunes gars qui forment un groupe de rock pour tromper l’ennui et tomber les filles. Quelques années de galère plus tard, ils se séparent, rappelés par la dure réalité économique du quotidien. Et ils essaient de s’en sortir chacun de leur côté. Quand ils se revoient après douze ans, ils décident de répéter à nouveau ensemble pour donner un concert. Banal ? Oui sauf que les trois musicos s’appellent Xiaoxiao, Heizi et Dadong, leur groupe « Au fond du ciel bleu » et qu’on est en Chine. Dans une B.D. stridente.
La sensation de vivre ensemble
Dans une veine hyperréaliste, toute en nuances de gris, Lu Ming raconte par petites touches comment les trois copains ont tenté de s’en sortir dans la Chine affairiste et corrompue du libéralisme d’État. L’un dans le business de fringues, l’autre à réparer des bagnoles dans un garage pourri et le troisième contraint à s’engager à l’armée qui l’envoie chasser les braconniers à la frontière mongole. Donner un concert, c’est retrouver la sensation de vivre ensemble le même moment, mais l’euphorie est vite passée. Une fois qu’ils ont quitté la scène, il leur faut à nouveau trouver une place.
Épuisés
Dessinateur virtuose, Lu Ming a pas mal travaillé dans la pub, il en a gardé une maîtrise bluffante des marqueurs. Gros plan au rendu photographique, scènes d’intérieur en clair obscur ou chevaux galopant crinières au vent dans les steppes, il peut tout faire. La narration abrupte déconcerte mais emporte par cette tension constante entre réalité brute et lyrisme désenchanté. De cet album, Lu Ming a dit qu’il était une stèle à la désillusion des jeunes de sa génération, épuisés à courir derrière un idéal hors de portée. Inconnu dans son pays, l’auteur, aujourd’hui trentenaire, n’a pu y faire paraître cet album dont le propos dur et sans concessions cadre difficilement avec ce qu’on attend d’un auteur de B.D. dans la Chine d’aujourd’hui.
Hard Melody, Lu Ming, Editions Mosquito, 106 pages, 15 €
Disponible sur BAZAR e-SHOP