Un jour, sans crier gare, vous vous retrouvez seul parmi les objets. Vous n’êtes pas vraiment seul en réalité. Il y a Fien Muller et Hannes Van Severen tout autour de vous. Vous croyez voir double : c’est le cas, en effet. Le design se compte en paire, vous louchez. C’est très drôle tout d’abord. Tout est sans dessus dessous. Vous êtes de guingois. Quelque part entre le design et l’art, parmi des couleurs qui s’opposent harmonieusement, l’union des contraires se réalisent : le familier perd son aspect fonctionnel, le fonctionnel devient étrangement familier. Ne le criez pas sur tous les toits, mais ce mobilier dévale du ciel ; il caresse ensuite le sol comme un poil de moustache.
Une parfaite mesure existe désormais entre la Terre et le ciel, reliés avec des fils de marionnettistes et attachés à des lumières qui fendent la pièce comme des flèches. Ces volumes naissent en l’air, tenus par des lignes presque invisibles et délicates. Les objets prennent sens à partir des uns et des autres. Ils sont conçus pour être auprès de vous, pour garder des solitudes communes tout en perdant le vis-à-vis. La raison est que ce design réfléchit le lien et l’hybridation. A certains moments, on dirait des chemins tracés à l’encre de Chine ou des fanions multicolores agités par le vent dans une ancienne fête foraine.
Ce mobilier a aussi un caractère animal : on le devine issu de la démarche d’un grand échassier. Et puis il y a ces luminaires qui versent une larme alors qu’ils se penchent sur vous comme une fleur qu’on croirait fanée. Pourtant, cette lumière vous protège de quelques intempéries. En vous soufflant des bulles d’aparté, elle éclaire un secret et enferme des rires feutrés. On ressent la mélancolie des jouets d’enfants, des parapluies de Cherbourg, des fils de la soupe à l’oignon. On imagine des bonbons qui fondent dans le bouche et des baisers du dimanche dans des campagnes qui sortent de la brume. Ce design contemporain fait une véritable place à des émotions lointaines perdues sur de vieilles cartes du tendre. Sans jamais être idéalisé, le quotidien est détourné de sa destination quotidienne : il se dédouble. L’extraordinaire côtoie l’ordinaire ; ils sont côte à côte, jamais face à face. Ils se touchent. Ce serait peut-être la meilleure définition de la vie quotidienne : un tissu de menues contradictions. Ce sont ces fossiles, ces morceaux, ces fragments qui sont ici recueillis. Depuis l’enchevêtrement d’étagères, les tables se présentent à la manière d’un aplat de soleil. Une belle naïveté guide le trait. Toutes ces formes qui se superposent finissent par évoquer des éclats de vies furtives entre lesquels se promènent des silhouettes étrangères ou familières. Vous n’êtes définitivement plus seul.
Dans le cadre Brussels Design September
Exposition Muller Van Severen à Bozar, 23 rue Ravenstein, 1000 Bruxelles.
Du 11 au 30 septembre 2015, du mardi au dimanche de 10H à 18H