Au Grand Hornu, Lionel Jadot expose le capharnaüm coloré de ses créations recyclées. La réinvention permanente des objets et matériaux s’y mêle au souci du détail et une passion pour le geste de l’artisan.
Architecte d’intérieur, désigner, cinéaste, et raconteur d’histoires autodidacte, Lionel Jadot est un créateur instinctif et iconoclaste, amoureux de l’artisanat et de la perfection du détail. Pour la première fois, il expose son travail le plus personnel, les objets créés à partir de ses carnets de croquis. Dans la Grange au foin du Mac’s au Grand Hornu, il recrée le chaos esthétique de son atelier et y installe son bureau et toute son équipe pour la durée de l’exposition.
Un canapé confectionné avec une toile de parachute, des moulages en plâtre de branches d’arbre rassemblés avec des sangles de transport deviennent un luminaire, un paravent en soubassements automobile, une lingère 18ème recouverte d’une marqueterie en roofing ou même un tronc d’arbre qui se transforme en châssis de moto. Lionel Jadot s’offre la version design de l’inventaire à la Prévert. Il ne se refuse rien, recycle presque tout.
Enfant, il a grandi dans l’intense activité de la fabrique de chaises et canapés paternelle au milieu du bruit des machines et dans l’odeur de la colle et de la sciure. L’atelier faisait 3000 m2, c’était pour moi un univers un peu irréel qui m’apparaissait comme une caverne d’Ali Baba. Mon père me disait toujours : « Tu ne touches pas à ce qui se trouve sur les tables, mais tout ce qui est au sol, tu l’utilises comme tu veux. J’adorais assembler toutes sortes de chutes, c’est comme ça que j’ai fait mon premier tabouret à 7 ans.
Lionel suit son intuition sans rien laisser au hasard, pliant ses trouvailles à la courbure de son imaginaire. Je pars d’un élément existant que j’intègre dans une nouvelle création pour raconter une nouvelle histoire. Je crée des problèmes que je vais pouvoir résoudre en travaillant avec un ou plusieurs artisans. De ces confrontations, il y a toujours des choses nouvelles, intéressantes différentes. L’important, c’est de ne pas recommencer ce que j’ai déjà fait auparavant.
Rien ne se perd, tout se crée. Attiré par les infinies possibilités des objets manufacturés, il les recycle, mais il est aussi touché par la beauté des matériaux bruts comme les déchets de carrières qui deviennent un flanc de fauteuil. Avec les fines lattes de bois exotiques utilisées pour protéger les palettes sans que les marchands y attribuent la moindre valeur, il en fait du plaquage extérieur pour une armoire et même le bardage d’une façade.
Si les matériaux sont parfois bruts ou naturels, la finition est toujours très raffinée. Depuis toujours, il est sensible à la grâce du geste artisanal qu’il cherche à pousser dans de nouvelles voies d’expression, loin des traditions. A un doreur habitué à rehausser les couvertures de livres, il a fait réaliser des dessins sur des morceaux de cuir collet trouvés sur une brocante et dont il a fait un dessus de table. A un fabriquant de sangles pour grues, il a demandé d’adapter ces bandes de tissus colorés au savant surpiquage pour en faire l’assise d’un fauteuil d’extérieur.
Derrière ces assemblages improbables, ce qui l’excite le plus, ce sont les défis techniques. Pour répondre à un copain qui voulait refaire vrombir un moteur de BMW R75, il n’a rien trouvé de mieux qu’un tronc d’arbre en guise de châssis. On a voulu aller jusqu’au bout, montrer qu’il y avait moyen d’en faire une moto qui roule. On y est arrivés et pour prouver qu’elle roulait, on a fait un petit film où elle tire un fanion géant, patchwork de tous les drapeaux du monde.
Lionel Jadotinfos pratiques
Voyageur aventurier, c’est au cours de ses nombreux voyages, à moto de préférence, qu’il ramène des idées ou des éléments qu’il intègre à ses créations. En Inde, il a trouvé des grosses pelotes de corde effilée à partir de vieux t-shirts qui sont devenues les pieds d’un canapé. Dans un boutique du Mali, il flashe sur une toile assemblée avec des chutes de cuir de tente qu’il négocie de longues heures et dont il fera un élément de décoration. Une selle de chamelier ramenée d’Egypte accueille les fesses de celui ou celle qui enfourche sa moto-tronc d’arbre.