Jan Fabre expose une série de dessins de jeunesse réalisés au bic bleu. Tornades, cyclones et déluge s’y déploient en grand format et dans un silence assourdissant auquel fait écho une série de sculptures en verre Murano et squelettes.
Nuits d’insomnie
Le bleu est intact. Lumineux. Dans un grondement silencieux, les tornades dessinées au bic par Jan Fabre sortent de l’oubli comme un écho de nos temps inquiets. On était en 1988, l’artiste anversois qui résidait à Berlin, passait ses nuits d’insomnie à dompter par le dessin les tempêtes qui balayaient son esprit, vidant des boîtes et des boites de stylo billes à force de traits rapprochés et croisés, il travaillait jusqu’à l’épuisement sur des compositions grand format où se déchainent les éléments en l’absence de toute forme de vie animale ou végétale.
Petit matin
On ne sait pas à quel bout du temps l’on se trouve. Au commencement ou à la fin. Toute la série a été acquise et emportée par un généreux mécène qui ensuite a rangé les dessins sans plus jamais les exposer à la lumière du jour. Ils sont réapparus aujourd’hui. Exposés à la Galerie Templon, ils irradient de la même intensité et de la même brillance que dans l’atelier de l’artiste au petit matin alors que l’encre était à peine sèche. Ceux qui connaissent et apprécient Fabre sont familiers de son travail à la pointe Bic, à l’image de l’Heure Bleue, une installation permanente créée pour l’escalier royal du Musée royal des Beaux-Arts.
Vision gothique
Des éclairs, des ténèbres d’apocalypse. Des nuages comme des draps entortillés. Un trou béant qui s’ouvre comme un gouffre, de double tornades qui vrillent la surface d’une mer antédiluvienne pour s’enfoncer de l’autre côté du temps. Dans cette superproduction monochrome se déploie une vision gothique hallucinée où l’on ne peut s’empêcher de percevoir les échos des désastres climatiques futurs qui hantent notre présent.
La photocopieuse de l’au-delà
En résonance avec ce déluge de fin des temps, l’artiste expose une série de sculptures présentées à la Biennale de Venise en 2017. Ce sont des cranes en verre de Murano estampés au doigt d’encre Bic. Comme sortis de la photocopieuse de l’au-delà, ils sont colonisés par des squelettes de petits animaux, reptiles, oiseaux ou petits mammifères qui se glissent entre les dents, grimpent sur la face exorbitée ou se posent au sommet de l’occiput, comme pour se jouer du sérieux du trépas.
On peut voir dans ces crânes qui se reproduisent comme dans un troublant miroir de la condition humaine uniforme face à une nature diverse et irréductible même dans la mort. Certains ne manqueront pas de se demander si le crâne qui a servi de modèle est celui de l’artiste. Jan Fabre a préféré entretenir le mystère.
Vanité, vanité, quand tu nous tiens.
Infos pratiques
Jan Fabre
L’heure sauvage
Galerie Templon
13A rue Veydt
1060 Bruxelles
jusqu’au 22 février 2020
Du mardi au samedi de 11 à 18h
www.templon.com