Avec l’exposition Icons, la villa Empain nous invite à une promenade entre le sacré et le profane dans une exposition qui convoque la figure de l’icône dans la tradition et dans la modernité.
La tradition de l’icône qui remonte aux origines de la chrétienté a aujourd’hui perdu de sa sacralité quittant l’encens des églises pour la fugacité d’internet. Le statut d’icône de la mode, du sport ou de la chanson se mesure désormais au nombre de followers sur instagram. La Madone au coeur blessé de Pierre et Gilles qui ouvre l’exposition Icons à la villa Empain rapproche astucieusement les deux mondes, le profane et le spirituel. Sous la couronne étincelante et le chatoyant manteau de la vierge, certains reconnaitront Lio, la chanteuse pop espiègle qui ne compte pas pour des prunes. Le monumental cadre doré ne brillera pas avec la même intensité dans les regards suivant que l’on soit croyant ou pas.
Différentes formes d’incarnation
Les salons du rez-de-chaussée créent une surprenante confrontation entre la vénération politique, la fascination marchande et une icône invisible. Yan Pei-Ming a réalisé un portrait de Deng Xiaoping, le dirigeant chinois qui a rompu avec l’orthodoxie et Mao et a permis au peintre de croire en son art. Avec la provocation qu’on lui connaît, Wim Delvoye a sélectionné quelques images érotiques ou musicales qui passent en boucle sur internet pour les border d’un cadre argentée ouvragé où habituellement le prêtre place l’hostie. Seule sculpture de l’exposition, le nettoyeur de vitres de Duane Hanson nous perturbe par son hyperréalisme. Rouage d’une société marchande, c’est une icône en creux, celui qu’on ne voit pas, qu’on n’adore pas, mais qui incarne la masse des classes laborieuses et qui permet aux autres de briller.
Ce n’est donc pas uniquement à un dialogue avec une spiritualité religieuse que nous invite le commissaire de l’exposition Henri Loyrette, ancien directeur du Musée d’Orsay et Président-Directeur du musée du Louvre, mais plutôt à une plongée subjective dans différentes formes d’incarnation par l’image depuis l’époque byzantine jusqu’à l’art moderne et contemporain.
L’aura du sacré
A l’étage, une icône du XVIe met en scène l’adoration de l’image de la Vierge à l’enfant qui ne se regarde pas comme on le ferait d’un tableau mais qui est une clé pour l’au-delà. L’artiste contemporain Sarkis invite le regardeur, via deux tampons encreurs, à toucher l’oeuvre du bout des doigts pour colorer les ailes de l’ange. Une manière de rappeler que pour les fidèles orthodoxes, l’adoration est indissociable du toucher. Une belle série d’icônes anciennes déroule quatre siècles d’iconographie religieuse au hiératisme intense et ouvragé qui traverse les époques. Fabrice Samyn oppose la noirceur du bois calciné avec la lumière du doré dans des icônes sans visage qui rappellent les autodafés des iconoclastes. Est-ce de l’intensité du regard, de la centralité et la frontalité du visage que naît l’aura du sacré qui soustrait le portrait au réel ? Le sujet ne doit pas être religieux comme le montre le vibrant portrait de Max Elskamp par Henri van de Velde ou le trio d’Octave Landuyt. Traitée par George Rouault, la figure du Christ se fait sauvage et brute alors qu’avec Gustave Van de Woestijne c’est avec douceur qu’elle retrouve la mystique de la Renaissance italienne.
L’âme à nu
Icone du consumérisme, Andy Warhol, qui a été éduqué dans une famille catholique slovaque d’obédience byzantine, pratiquait sa foi en toute discrétion. Homme de paradoxes, il ne détonne pas dans ce parcours avec ses portraits de figures adulées que sont Mao et la Reine Beatrix des Pays-Bas. Le sacré procède aussi de la soustraction car il n’est pas nécessairement besoin de représentation pour l’incarner. Avec cette tête aux traits à peine esquissés dans un bouillonnement de couleurs, le peintre syrien Marwan semble mettre l’âme à nu. Dans Created in his Likeness, Titus Kaphar recouvre la silhouette du pèlerin d’un goudron granuleux. Un mystérieux pèlerin qui n’a plus d’image, juste un bâton. Il pourrait être chacun d’entre-nous. Une âme qui n’est plus que dans le reflet argenté que nous renvoie le Dasani de Bertrand Lavier.
Icons
Fondation Boghossian
Villa Empain
jusqu’au 24 octobre 2021
67 Avenue Franklin Roosevelt
1050 Bruxelles
Ouvert du mardi au dimanche, de 11h00 à 18h00
www.villaempain.com