Sous les voûtes lumineuses du bâtiment Dynastie, Jean-Luc Moerman expose ses dernières peintures en compagnie des sculptures de Mario Ferretti. Deux artistes organiques qui se complètent. Deux formes d’énergie qui captent le fluide vital qui bouillonne dans les corps et fait pousser les arbres. Deux individualités indomptables, rétives aux courants dominants.
Ce qui est intéressant avec Jean-Luc Moerman, c’est qu’on ne se pose pas la question de savoir ce qu’il peint, on le reçoit en pleine figure. On se laisse emporter par une énergie qui connecte le visible et l’invisible. L’amplitude des volumes et la hauteur des plafonds permettent un recul qui change la perception de l’œuvre. Dans mon atelier, je travaille mes peintures de tout près sur des petites surfaces et ça m’a paru bizarre de les voir à plusieurs mètres les unes à côté des autres. J’ai l’impression de les redécouvrir.
Les plus familiers avec l’œuvre de l’artiste se retrouveront en terrain connu et en même temps entraînés vers des paysages intérieurs inédits. Ce qui frappe ici, c’est la prédominance des traits de couleur avec des teintes franches, les traits noirs s’estompent au profit des roses, des verts, des bleus et des rouges qui bouillonnent. Posées à même le sol de son atelier, les toiles vivent et se transforment pendant parfois plusieurs mois. Il y a quelque chose du mouvement perpétuel. Une toile peut avoir plusieurs fins. Peindre, c’est pour moi pousser chaque fois le bouchon plus loin. All your normal text goes here.
Extrêmement maîtrisé, son travail est aussi d’une grande souplesse et d’une grande liberté. Dans la peinture, je cherche toujours à mettre de la profondeur. J’ai l’impression que mon travail est plus proche de la musique. Je ne vais pas parler d’état chamanique, mais c’est un mélange de concentration et d’improvisation. Il faut avoir la main mais il y a aussi une place pour la liberté. Avec du recul, j’ai l’impression que ma peinture était au départ une sorte de cartographie intime des choses que je ne pouvais pas dire autrement, un fil que je tire et que je tire encore.All your normal text goes here.
Le travail à l’aquarelle qui occupe le second étage va à l’essentiel. Pas besoin de couvrir tout le papier. Quelques traits, presque un détail anatomique, un mouvement tourbillonnant, une torsion d’une suprême élégance. Un mouvement qui raconte la vitesse et la lenteur, l’énergie et la concentration. Mon boulot c’est essentiellement du trait, si je ne touche pas un pinceau pendant un mois, je le sens. J’ai un atelier en pleine nature. Comme les arbres que je vois par la fenêtre, mon travail se décompose en tas de facettes et de couches qui forment un ensemble.All your normal text goes here.
Mario Ferretti a commencé des études de mécanique, il rêvait de devenir archéologue, ses sculptures portent tout ça. Sauf que les effigies qu’il met à jour nous racontent toutes la nature, les arbres souvent. Une force qui fait tourner la nature. On est dans du transformisme post industriel, dans des effigies steam punk où le végétal se lie avec le métal pour des créations hybrides où la béquille se confond avec l’armure.
L’arbre fruitier est un cerisier centenaire qui a grandi dans une propriété familiale de l’artiste. Le jour où il a fallu l’abattre, il ne s’est pas résolu à s’en séparer. Démembré en plus de 100 pièces de l’écorce à la plus petite branche, il a été réassemblé une partie avec des tenons et équerres et tiges métalliques. Dans les petits tiroirs d’une table d’opération se nichent tous les éléments qui permettent de remonter l’arbre. Un clonage parfait entre le vivant et l’inanimé, le visible et l’invisible.
Une bogue d’un fruit venu d’une autre planète, modèle de bactérie hautement infectieuse ou vaisseau pour voyager dans le temps. Au-delà des interprétations finalement anecdotiques, ce qui fascine dans le travail de Mario Ferretti, c’est sa capacité à faire remonter des réminiscences de ce qui n’est plus et à interroger nos liens avec la nature, avec le vivant. Ces œuvres aux détails raffinés sont les ultimes témoins d’une nature en danger, en voie de disparition.
infospratiques
Tel un artisan à l’ancienne, Mario Ferretti jongle avec les pratiques et les matières. Mécanicien, chirurgien, bijoutier, embaumeur ou enlumineur, il est un peu tout ça. Et c’est en alchimiste qu’il s’emploie à transformer la matière. Creusé, brûlé, l’arbre sans sève est repeint, tapissé d’aluminium, dépouillé de son écorce ou découpé en rondelles d’un osselet géant, la sève est désormais remplacée par le vide, un vide lourd de sens, qui invite notre imaginaire à repenser la place de la nature dans nos vies et nos villes.