LES LIGNES DU MONDE
DE PETER KOGLER

Gilles Bechet -

Et si la prochaine étape majeure dans l’histoire de l’art était d’inviter le spectateur à l’intérieur de l'œuvre ? Tel est l'un des paris de next, l’exposition immersive de Peter Kogler à l’ING art center. Le visiteur n’est plus un acteur contemplatif, il devient un électron de lumière dans l’espace que s’est réapproprié l’artiste.

 

next ©Peter Kogler
Avec next, l’exposition est l’œuvre d’art. Plus qu’une simple rétrospective, c’est l’appropriation par l’artiste de tout l’espace de l’ING art center. Les murs, le sol, les plafonds sont couverts d’un vinyle blanc parcouru d’un réseau de fines lignes déformées qui modifient la perception des volumes et des surfaces. Les bancs et les objets, également conçus par l’artiste, semblent s’être extirpés des murs pour permettre au visiteur de souffler ou de prendre du recul. Une œuvre d’art total, où la main de l’artiste rencontre l’expression de l’ordinateur.

 

 

next ©Peter Kogler
Peter Kogler a réalisé ses premiers travaux sur ordinateur en 1984. On en était aux balbutiements de l’informatique graphique. J’ai abordé ça de façon très intuitive. J’avais un langage visuel compatible avec le langage informatique. Un ami m’a ouvert à l’infographie. C’était une expérience nouvelle, j’ai tout de suite compris que ça allait changer la production d’images.
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next ©Peter Kogler
Dans ses compositions, l’artiste autrichien a souvent utilisé les mêmes motifs qu’il répète sur la surface et dans le temps. Des symboles forts et universels. Le cerveau, qui n’est rien d’autre qu’un ordinateur organique, l’ampoule, la fourmi, ouvrière docile et maître des labyrinthes et plus récemment un bras et une main pointés vers la matière comme pour rappeler que peu importent toutes les innovations technologiques, sans la main la machine ne serait rien.

 

 

next ©Peter Kogler
Aucune de ses œuvres ne porte de titre. Seules sont reprises la date et les procédés d’impression. Le langage visuel est un vocabulaire en soi. Je n’ai pas besoin de rajouter du sens avec un titre. En Belgique, beaucoup d’artistes ont travaillé ce lien entre les images et le langage. Je reste concentré sur les informations visuelles, mon travail n’est pas lié à une culture spécifique, il est accessible à tout le monde aux enfants comme aux spécialistes en art.
Peter KoglerBiographie
next ©Peter Kogler

S’il a, au cours du temps, repris les mêmes motifs, chaque œuvre de Peter Kogler, prise séparément, n’en reflète pas moins l’esprit de son époque. Sur le plan métaphorique comme sur le plan technique. Les premiers ordinateurs permettaient de travailler l’image à l’écran mais on ne pouvait pas la sortir directement, je suis alors passé par l’impression sérigraphique. Quand je n’avais pas d’argent, dans les années 90, j’ai aussi utilisé des photocopies assemblées bout à bout. Aujourd’hui, je travaille directement avec l’impression digitale.

 

1997, DocumentaX, Kassel ©Peter Kogler
En couvrant les murs du grand hall de la Documenta X d’un papier peint parcouru d’un entrelacement de tuyaux, Peter Kogler a marqué les esprits. Je reprenais un motif que j’avais déjà utilisé, mais comme on était au début des années 90, on a dit que c’était une visualisation d’Internet qui se démocratisait à l’époque. La signification d’une œuvre dépend du lieu et du moment.

 
Coulissesde l'expo

 

next ©Peter Kogler
C’est dans un long collage d’une bonne trentaine de mètres que Peter Kogler a choisi de montrer ses travaux de 1984 à 2015. Une extension des collages avec des coupures de presse et des captures d’écran qu’il réalise sur les murs de son studio.  J’aime les collages et les superpositions. Cela démultiplie le sens. Je n’aime pas les œuvres mono-thématiques. Les collages, c’est comme un jeu en deux temps. D’ abord, je décide ce que je sélectionne ensuite, je décide ce qui est à côté de quoi.  
peter koglerinfos
next ©Peter Kogler

Sous les pieds du visiteur, des rats blancs qui courent dans un labyrinthe. Sur la façade de l’immeuble ING, avenue Marnix, ce sont des colonies de fourmis géantes qui défilent à la nuit tombée. Peter Kogler aime jouer avec l’image de ses animaux grégaires qui vivent depuis toujours parmi les hommes sans que nous ne les connaissions vraiment.  Les rats, comme les fourmis, sont des animaux ambigus, ils peuvent être chargés positivement ou négativement. Ils fascinent et ils font peur.