Dans Altered, sa première exposition en galerie chez Eleven Steens, Luc Praet explore par l’image et par l’objet photographique, l’altération de la mémoire et les perceptions qu’on y rattache.
La mémoire est un lieu étrange. On y a ses recoins préférés et ceux que l’on visite de temps en temps. Il y a la mémoire qui se déroule au fil de nos pas ou qui surgit avec une odeur. Définitivement, la mémoire est affaire de perception. Comme la photo. Même si on évoque une mémoire photographique, la mémoire peut s’altérer. Comme la photo. Luc Praet cherche à prendre la mémoire en photo, comme on la prendrait par défaut. C’est une approche humble, curieuse car la mémoire est instable. Comme nous, elle est vivante, elle prend de l’âge et elle s’altère. Les images qu’elle a emmagasinées s’effritent et se recomposent tout le temps en fonction de ce qu’on vit et de ce qu’on ressent.
Quand on regarde les photos de Luc Praet, le sujet est à peine perceptible. Fuyant, il s’efface devant des effets de matière. Chaque tirage est unique, il diffère de la matrice car il est le résultat d’une manipulation en chambre noire. Une suite d’accidents et d’intuitions qui ne peuvent se reproduire. J’ai longtemps travaillé dans la mode, et je voulais d’autres défis artistiques en allant vers quelque chose qui n’est pas reproductible.
Après avoir travaillé pendant des années avec des équipes de prise de vue qui peuvent monter jusqu’à une vingtaine de personnes, c’est un soulagement de se retrouver seul. C’est à moi que la décision revient, qu’elle soit positive ou négative. Quand je commence, j’ai une vague idée du rendu que je cherche, mais il faut que le process fonctionne. Je fais confiance à ce qui se présente à moi, pour que l’erreur fasse partie de l’histoire de la photo. Il y a un côté empirique, sinon on se retrouve dans ce que je ne veux plus.
Une partie des images sont accrochées à le verticale, d’autres en revanche sont présentées à plat dans des vitrines tels d’antiques parchemins froissés par le temps. C’est Xavier Canone, directeur du musée de la photographie de Mont-sur-Marchienne qui a encouragé Luc Praet à les présenter ainsi. Les images peuvent dès lors être regardées sans dessus dessous, le regard est libre de tourner autour, de les encercler et leur donner un sens, au propre comme au figuré.
Ses images privilégient les monochromes. Bistre foncé. Parfois on croit reconnaitre quelque chose, des bribes de paysage, des murs tagués, une ancienne statue, une salle déserte ou alors des portraits où le modèle est méconnaissable. Dans certains tirages, il ose la couleur pour des formes mouvantes dans des turquoise, des gris et des jaunes. La magie vient de ce qu’on ne décrypte pas le sujet, on le devine. On ne sait jamais où on est. Entre peinture, photo installation. Tout est à reconstruire. Comme la mémoire.