Une balade en forêt. Où l’on fait d’étrangers rencontres. Quelques instants de repos à l’abri d’une souche. Ou peut-être tout cela n’est-il qu’un jeu de séduction, un jeu de cache-cache avec la réalité, avec les sentiments. Artiste discret, Pierre Dessons dessine, peint et sculpte depuis plus de 50 ans. Dans les marges de la figuration narrative, il a façonné une œuvre forte, troublante qui titille l’imagination.
Beaucoup de gens me demandent souvent ce que j’ai voulu dire. En fait, je ne dis rien, ce sont des images mentales conçues un peu comme vous composez de la musique. Quand vous écoutez de la musique de Bach ou de Mozart, ce ne sont pas des images, ce n’est pas racontable. Vous ressentez les choses qui vous interrogent et font écho à votre cheminement personnel.
Y a-t-il un âge pour jouer à la poupée? Vraisemblablement pas. Dans son théâtre de fantasmes, Pierre Dessons manipule ses personnages comme des poupées. S’il leur témoigne une grande tendresse, il n’hésite pas à les bousculer un peu en recombinant leurs corps et leurs membres. Les hommes ont une tête de chien ou une tête de lune et les oiseaux ont une tête humaine.
Enfant sauvage du surréalisme et de la figuration libre, il ne choisit pas toujours entre abstraction et figuration. Je n’ai absolument aucune inspiration. Mes images viennent de mon inconscient. Dans mon fauteuil avec mon carnet de dessin, je dessine un peu dans un état second, un peu en catalepsie. Mon trait circule, des personnages apparaissent des lignes de force et petit à petit, ça se construit.
Pendant dix ans, Pierre Dessons a arrêté de peindre pour consacrer son talent à des travaux plus « alimentaires » de l’illustration jeunesse, de l’animation et même une BD dans le magazine Lisette. En revenant à la peinture il a retrouvé son écriture personnelle marquée par la douceur perverse d’un Balthus, les femmes poupées de Bellmer et les grandes filles gigognes de son ami Pat Andrea.
Chez Dessons, les poètes sont invités à un freak show. Dans ce pays d’Oz, les filles ne se laissent plus embobiner par la première créature venue même si elle a un long nez. On est dans un univers qui ressemble au jeu vidéo avant qu’il ait été inventé. C’est comme si les souvenirs d’enfance avaient continué à grandir quand on ne pensait pas à eux et puis nous reviennent par la porte des rêves.
Peindre ça reste une forme d’exutoire, c’est un besoin. Peindre, ce n’est pas du tout une distraction, c’est un besoin. Je ne vais pas bien si je ne dessine pas une journée. C’est un vrai travail, un investissement. Dans la peinture, je me sens toujours en danger même dans un petit format. Ça peut merder. Ça arrive.
Ma grande distraction, c’est aller pêcher à la mouche. C’est une forme de méditation où on est complètement imbriqué dans l’espace naturel. On est vraiment en osmose avec ce qui nous entoure. Un jour que je pêchais au bord d’un barrage, une image m’a marqué. L’eau avait fort baissé et dans le fond on pouvait voir des arbres et des branches. Dans cette eau très transparente, j’ai vu des truites passer entre les branches. C’est cette vision que j’ai traduit dans la sculpture « Oiseau et le petit poisson».