Enfant, Eddy Vermeulen rêvait le monde en dévorant les pages de Kuifje et Robbedoes. Il recopiait les planches de ses héros Jean Graton, Hergé, Edgar P. Jacobs ou Franquin, rêvant de devenir auteur de bande dessinée comme eux. Dans les années 50,quand on habitait à Kuurne, la Mecque de la BD, c’était Bruxelles avec son atomium, les Vaillante et Turbotraction sillonnant les boulevards de la capitale et ce ciel limpide que traversaient les ailes rouges et les Zorglumobile.
En 1960, il s’inscrit à Sint-Lukas Brussel et ne quittera plus jamais la capitale. Il ne deviendra jamais auteur de bande dessinée, mais illustrateur et pilier graphique du magazine Humo où il publiera, pendant 50 ans, ses dessins élégants et espiègles. Désormais libéré, des délais contraignants de la presse, il a pris tout son temps pour dessiner et ré-inventer de long en large sa ville de coeur et de plume.
Quand Vuitton vous a proposé d’illustrer un Travel book, pour vous c’était Bruxelles ou rien ?
J’avais le choix d’aller n’importe où, à Dallas, Singapour ou en Afrique. Mais j’ai dit que je préférais rester à la maison. Je ne suis pas un grand voyageur, même si j’ai été en Amérique et en Scandinavie, au fond le voyage ce n’est pas mon truc. Je voulais bien faire un Travel Book mais uniquement à Bruxelles. Au début, ils n’étaient pas d’accord parce que ce n’est pas le principe de la collection.
Comment les avez-vous convaincu ?
Je ne sais pas très bien. (il rit) C’était une assez belle journée d’été. Je suis allé les chercher à la gare avec ma vielle Oldsmobile. On a été manger au Grand Forestier. On était en terrasse. C’était très agréable. On a fait un petit tour à Bruxelles avec la voiture. On est passé devant le Palais Stoclet, par exemple et finalement, ils étaient assez facile à convaincre.
Pour vous, il y avait un plaisir de rendre à Bruxelles ce que la ville vous a donné ?
Je vois tellement de choses dans les rues où je me dis c’est intéressant, c’est marrant, c’est bizarre. Il y a à Bruxelles tellement de choses que j’ai envie de dessiner. Des architectures surprenantes, des petites rues avec des chouettes maisons. Quand un endroit leur plait, la plupart des gens font des photos, moi j’ai envie de dessiner. Avec ce livre, j’avais tout à coup carte blanche pour faire 120 dessins sur Bruxelles et les endroits qui m’intéressent.
C’est un Bruxelles fantasmé que vous avez reconstruit ?
Forcément. Moi je suis dessinateur, pas architecte. Je vois des choses et elles m’inspirent. Je ne reproduis pas la réalité. Une fois que je suis à la maison derrière ma table à dessin, je commence à fabriquer des images en combinant différents éléments pour faire des dessins avec plein de petite surprises.
Les dessins pour ce livre vous ont-ils amené à découvrir des endroits que vous ne connaissiez pas ?
J’habite à Bruxelles depuis mes études dans les années 60, je connais donc un peu la ville. Il y a pourtant des endroits qui m’ont surpris, par exemple la place du Champ de Mars derrière la Porte de Namur, où je n’étais jamais allé. Il y a aussi des bâtiments que je voulais dessiner depuis toujours et devant lesquels je passais souvent, comme le Wiels ou le Palais Stoclet. Ce qui m’a aussi amusé, c’est d’utiliser des techniques que je n’avais pas encore utilisées dans mes dessins. C’est pour ça que j’ai travaillé au crayon et au pastel. Avant c’était toujours en noir et blanc avec de l’encre de Chine. J’ai un style de dessin qui découle de la ligne claire en bande dessinée, mais en travaillant directement en couleurs sur le papier, je retrouvais une approche plus libre que j’avais quand j’étais jeune et étudiant, à une époque où l’ordinateur n’existait pas. Dans ce livre tout à été fait à la main, rien à l’ordinateur.
Parfois, les croquis figurent à côté du dessin final est-ce parce que vous préférez vous les premières esquisses ?
Quand je vois mes dessins publiés, je me dis souvent que la version préparatoire était bien meilleure ou les premiers croquis étaient plus vivants et prometteurs. De temps en temps, je fais des mauvais choix, c’est pour ça que j’a aussi voulu montrer des dessins préparatoires à côté des définitifs, parce que j’ai fait beaucoup de croquis assez détaillés. L’idée de départ était de faire des croquis de 120 maisons. Je fais beaucoup de croquis parce que je continue et j’essaie d’autres choses tant que je ne suis pas satisfait. Les dessins au crayon sont plus vivants, plus riches, j’ai aussi voulu les montrer dans le livre parce que il est très bien imprimé et que les scans sont très précis. Quand je travaille pour la presse, j’ai pris l’habitude de travailler à l’encre de Chine parce que l’impression est moins détaillée. Comme ici, je pouvais compter sur une impression de grande qualité, j’ai choisi de dessiner au crayon avec des nuances de couleur assez subtiles.
Vous êtes un éternel perfectionniste ?
C’est vrai. En fait, je m’amuse tant que je suis en train de dessiner, mais une fois que le dessin est terminé, le plaisir est fini aussi. Souvent quand un dessin revient de l’imprimerie ou de la rédaction, je fais encore des modifications, alors qu’il est déjà imprimé ou publié. Avec un peu de recul, je vois encore des erreurs parce que je dois souvent travailler dans des délais impossibles. Quand l’original revient de l’imprimerie, je me dis Ah non, ça ça ne va pas. Alors je fais des corrections et puis je le mets dans mon tiroir. C’est ridicule, mais c’est comme ça.
Ever Meulen Brussels, Louis Vuitton, 152 pages coul, 45 €
En vente dans les magasins Louis Vuitton, dans quelques librairies sélectionnées et sur louisvuitton.com.
Expo Ever Meulen Brussels
Du 17 juin au 5 septembre 2021
MAD
Place du Nouveau Marché aux Grains, 10
1000 Bruxelles
Ouvert du mardi au dimanche de 11 à 18h
www.mad.brussels