Installée dans le bâtiment qui a abrité jadis la première patinoire indoor d’Europe, la Patinoire Royale a ouvert ses portes aux amateurs d’art en avril 2015. Installé au cœur du quartier des galeries, l’espace magnifiquement restauré se distingue par son volume et son modèle artistique et économique atypique. Après trois expositions consacrées à des courants d’art majeurs de ses soixante dernières années, la Patinoire Royale se tourne vers une artiste contemporaine Joana Vasconcelos qui ne pouvait trouver plus bel écrin à ses sculptures monumentales. Constantin Chariot, historien de l’art et ancien conservateur général des Musées de la Ville de Liège assure depuis son ouverture la direction générale de ce nouveau lieu incontournable de la vie artistique bruxelloise.
Quelle a été la genèse de cette exposition?
On a rencontré l’artiste par l’intermédiaire de Jean-Jacques Aillagon qui l’avait exposée à Versailles en 2012. On a été la voir dans son atelier à Lisbonne et elle est venue à Bruxelles. Elle a adoré le lieu. Sur les 35 pièces présentées dans l’exposition, 19 sont ont été produites spécifiquement. Et du coup, elle a aussi donné à certaines pièces de la série Bordalo des noms qui évoquent la Belgique. C’est aussi la première fois qu’elle utilise des ampoules LED.
Ouverte en 2014, la Patinoire Royale se présente comme un lieu plutôt atypique
C’est un endroit très particulier, qui est ni galerie, ni musée et ni centre d’art, même si nous sommes un peu tout ça. On a créé un hybride où l’on propose des expositions de type institutionnel comme en témoigne l’appareil critique de niveau scientifique qui est fourni avec le catalogue. Mais contrairement aux musées, toutes les pièces sont à vendre et c’est ce qui nous permet de financer l’exposition suivante. L’entrée à nos expositions est libre, ce qui est très important pour nous. C’est une façon de jouer un rôle mécénal en endossant un rôle de service public. À Bruxelles aujourd’hui, sans le privé, il n’y aurait pas de politique culturelle. La ville a une réputation internationale, elle attire des artistes et des galeries étrangères qui viennent s’y installer. Tout ce maillage de collectionneurs, de centres d’art et de galeries sauvent la donne et permettent à Bruxelles de tirer son épingle du jeu.
Le modèle atypique que vous proposez a-t-il des précédents?
Je ne connais pas d’autre galerie qui a adopté le même positionnement que nous. L’exposition a une vraie exigence scientifique que n’aurait pas désavoué un musée. C’est une formule appelée à se multiplier quand on voit le désinvestissement persistant du service public dans la culture et les arts plastiques. On n’est pas là pour gagner de l’argent, on vise d’abord l’équilibre des comptes. Toutes les conditions sont réunies pour faire ce qu’on fait mais le modèle économique est fragile. On ne peut pas se permettre des artistes qui ne seraient pas rentables, les découvertes ou les artistes émergents ne sont pas notre créneau.
Comment arrivez-vous a rassembler un tel nombre d’œuvres en maintenant un tel niveau de qualité ?
On totalise 3500 m2 de surface d’exposition, ce qui correspond à une centaine de pièces
Le travail de chasse et de collecte pour les trois premières expositions était très fatigant. Les acheteurs, ce n’est pas le problème, les pièces sont bonnes on pourra les vendre, il faut arriver à acheter des bonnes pièces dans de bonnes conditions, ce qui est un travail très compliqué. Dans un marché très comprimé, c’est difficile de trouver une centaine de bonnes pièces à vendre. On achète une bonne partie des pièces et on prend des dépôts. Le modèle de programmation que nous avons adopté depuis l’ouverture atteint ses limites, c’est pour ça que nous voulons passer à des expositions monographiques d’artistes modernes et contemporains sans pour autant transiger sur la qualité et la rentabilité.