Le vertige, c'est la peur du vide, d'un monde trop grand, incontrôlable. C'est aussi la résistance des sens quand on ne sait plus si on tombe ou si on s'élève. Il y a tout cela dans les œuvres et les personnages qui hantent les peintures d'Helmut Stallaerts.
Dans son univers pictural, les silhouettes sont fantomatiques, prêtes à se dissoudre dans l’espace confiné qui les entoure. Des décors réduits à des esquisses, une nature peu présente, ce sont les personnages qui retiennent toute notre attention. Anonymes, ils semblent fuir ou se protéger d’une sourde menace. À bien y regarder, ces figures sont en représentation comme des artistes de cabaret ou des délégués commerciaux en transit dans un no man’s land onirique. Il y a des animaux aussi, savants. Pour faire la nique à notre prétendue humanité.
Les œuvres d’Helmut Stallaerts sont le fruit d’une longue maturation créative. Une superposition de références évasives que l’artiste se retient de dévoiler, convaincu que tout ce qu’il a à dire se trouve dans ses œuvres. J’utilise des images que j’accumule. Il n’y a pas de logique. Une image s’impose à moi et je commence à construire mon sujet en tournant autour jusqu’à ce que je voie ce que je peux en faire. Après un certain temps, comme quand on travaille un morceau de marbre, il y a une forme qui se dégage, une image qui résonne.
Prolongeant les multiples échos d’images qui résonnent dans son travail, Helmut Stallaerts a choisi de le présenter au sein d’une sélection d’œuvres de la collection ING, et plus particulièrement d’artistes de la deuxième moitié du XXe siècle. Il s’agit d’un dialogue plutôt que d’une confrontation. L’artiste y a trouvé autant de réponses que le spectateur y trouvera de questions. Je doute beaucoup de mon travail et cette exposition m’a donné de la confiance, reconnaît-il. Conçue comme un parcours, comme une immersion, c’est une expérience du regard, une activation des sens.
Le dialogue avec les œuvres d’autres artistes ne dilue pas la force du travail d’Helmut Stallaerts, mais au contraire en renforce la singularité et multiplie les grilles de lecture.
Si son travail apparaît d’abord comme figuratif, il ne se limite pas à la représentation du visible. Lorsque j’élabore des œuvres, elles semblent figuratives, mais dans ma tête, elles sont structurées par des constructions géométriques. On comprend mieux les liens qui unissent une structure de Sol LeWitt et le fantomatique labyrinthe de « The Maze ». Ou encore aux deux œuvres abstraites d’Helmut Ferderle qui fut son professeur à l’Académie de Düsseldorf. Et puis, quel meilleur messager pour rendre visible l’invisible que la vibration de la matière picturale ?
Les apparitionsd'Helmut Stallaerts
Toutes en transparence, les apparitions de Stallaerts n’en ont pas moins quelque chose d’organique. Il est vrai qu’il lui arrive de peindre sur du cuir, sur des os polis, avec du sang parfois. Un troublant équilibre entre le corps et l’esprit comme dans la fascinante « Joséphine », peinte sur le bombé d’une calotte crânienne. On y voit un acrobate qui soulève son partenaire. Un miroir permet de voir l’intérieur de la calotte osseuse où l’artiste a peint avec minutie les coulisses du spectacle, une chambre nue, des coulisses vides. La peinture, comme la pensée, pour échapper à notre corps de chair et de sang.