On ne dispose pas assez des vingt-six lettres de l’alphabet pour contenir l’aventure créative de Olafur Eliasson. C’est pourtant ce que tente cette encyclopédie originale qui explore l’oeuvre déjà considérable de l’artiste danois. Des installations où la lumière, les éléments naturels et l’espace jouent un rôle primordial. Des œuvres à percevoir, à expérimenter, à s’approprier parce que le sens n’en est pas préétabli. Un de ses premiers travaux, Beauty, en 1994, en donne déjà toute la mesure. L’idée, comme souvent, est très simple. Un tuyau percé projette un fin réseau de brouillard depuis le plafond d’un espace sombre. Installé en oblique, un projecteur fait briller les gouttelettes d’eau, faisant apparaître au spectateur positionné à certains endroits un arc en ciel.
La nature à l’intérieur
Si les idées sont simples et accessibles, les implications et les lectures sont aussi multiples que complexes. Le projet Green River en est un bel exemple. A six reprises, l’artiste déversa un colorant inoffensif aquasoluble d’un vert criard dans des fleuves tantôt en pleine nature, tantôt en milieu urbain transformant pour un bref moment la perception de l’élément naturel qu’est le fleuve. Le choix du vert n’est évidemment pas innocent. Associé à la nature éminemment positive, il devenait soudain l’expression de la pollution et à l’artificialité. Parfois c’est la nature qui entre à l’intérieur de musée comme avec Lava Floor où il couvre le sol de la salle d’exposition de plusieurs tonnes de roche éruptive islandaise. La surface rocheuse créant une sensation et des sons inhabituels lorsqu’on la piétine.
Laboratoire
Installé depuis 94 à Berlin, il a investi en 2002 un vaste entrepôt désaffecté à proximité du musée d’art contemporain Hamburger Bahnhof. Artistes, architectes et techniciens travaillent ensemble et se livrent à des expériences comme dans un laboratoire. Ils étudient l’action de la lumière sur les formes et les matériaux. Ils peuvent tester l’évolution des pigments au cours du XXe siècle ou créer des maquettes de nouveaux espaces où le jeu des volumes et surfaces sont conçus pour modifier les perceptions du spectateur.
De brefs entretiens
Pour rendre compte de cette activité foisonnante et du parcours artistique d’Eliasson, l’auteur structure l’ouvrage en vingt six occurrences qui passent de Architecture à Zero en passant par Democracy, Kaleidoscope, Reality, ou Utopia. Au fil de brefs entretiens, l’artiste décode son langage artistique en dévoilant quelques-unes des questions sociales, politiques, écologiques, esthétiques et éthiques qui sous-tendent son œuvre. L’originalité de ce livre est à l’image de l’artiste et de ses méthodes de travail. Il est sans doute un peu frustrant de découvrir par l’image et les textes des œuvres immersives et participatives, mais c’est l’occasion de se plonger dans le studio et l’esprit d’un artiste essentiel de notre temps.
Studio Olafur Eliasson, An Encyclopedia, 532 pages, textes trilingues, 39,99 €